15 % de la population de 15 ans et plus est victime d’illectronisme, selon les données 2021 de l’Insee1. L’illectronisme est l’équivalent de l’illettrisme dans le domaine du numérique : une « situation d’une personne ne possédant pas les compétences numériques de base ou ne se servant pas d’Internet », indique l’institut. Au total, plus de huit millions de personnes seraient concernées.

Ce chiffre comprend deux composantes. Tout d’abord, selon l’Insee une personne est en situation d’illectronisme si elle n’a pas utilisé Internet dans les trois derniers mois. On considère que cela signifie qu’elle ne sait pas s’en servir. 13,9 % de la population est dans ce cas, soit l’immense majorité (90 %) des personnes en situation d’illectronisme. Le taux atteint 62 % chez les 75 ans ou plus car 59 % ne se servent pas d’Internet. Ensuite, la seconde composante est la compétence numérique, mesurée par le fait de faire des recherches sur Internet, d’envoyer ou non des courriels, de se servir de logiciels, d’accéder à sa banque en ligne, etc. Elle ne concerne que 1,5 % des quinze ans et plus. Elle est presque nulle pour les 15-24 ans (0,1 %) et atteint 2,7 % des 75 ans ou plus, parmi ceux qui utilisent Internet.

Le premier facteur d’illectronisme est l’âge. À niveau de vie et de diplôme équivalents notamment, le risque est 14,7 fois plus élevé chez les plus de 75 ans que chez les 15-24 ans. À âge équivalent, les non-diplômés sont sept fois plus concernés que ceux qui disposent d’un niveau de bac + 3 ou plus, les 20 % les plus modestes 6,6 fois plus que les 20 % les plus aisés. Cette fracture est aussi sociale : 9 % des ouvriers contre 1,2 % des cadres sont touchés. C’est bien une combinaison de facteurs qui entre en jeu.

Les technologies de l’information prennent une part croissante dans la société, en matière de communication entre les personnes, d’accès à l’information, à la mobilité, etc. La question est d’autant plus importante quand certains services, notamment publics, imposent l’usage du numérique. La question se pose de manière aiguë pour les plus âgés peu qualifiés, dont la majorité ne sait pas se servir de ces outils et se trouve privée de ces services. Pour autant, la question de la maîtrise du numérique ne se limite pas aux aînés. Certes, chez les jeunes, la proportion d’illectronisme est très faible, 2,4 % selon l’Insee : cette forme d’exclusion est bien moins répandue, mais elle peut être ressentie encore plus violemment que dans cette tranche d’âge tout le monde semble être connecté. Cette situation touche aussi les adultes :  le taux atteint 6 % chez les 40 à 59 ans, ce qui n’est pas négligeable.

Le numérique constitue un progrès énorme, mais il laisse de côté une partie de la population. L’illectronisme constitue bien une composante de la pauvreté non monétaire. On peut imaginer qu’au fil des générations le phénomène se réduise avec le vieillissement de catégories ayant été connectées plus jeunes. La question du niveau de qualification prendra alors davantage d’importance. L’effet de l’âge se maintiendra aussi avec l’arrivée, n’en doutons pas, de nouveaux usages numériques, comme c’est le cas aujourd’hui avec l’intelligence artificielle.

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