La pauvreté et les inégalités frappent de façon très variable les territoires, comme l'indiquent un grand nombre d'études réalisées par les délégations régionales de l'Insee. Des documents peu médiatisés, mais qui apportent souvent un éclairage inédit sur la situation économique et sociale de la France.

Au sein des régions, les départements offrent des portraits très contrastés, c'est le cas par exemple en Picardie où l'Oise est plutôt favorisée, alors que l'Aisne l'est beaucoup moins. Au sein des départements, les villes et en particulier les quartiers des grandes agglomérations sont dans la même configuration. C'est le cas dans la région Centre (plutôt plus riche que la moyenne) où le quartier Saint-Jean de Châteauroux dispose d'un niveau de vie médian trois fois inférieur à celui de la région. En Haute-Normandie, Val-de-Reuil (Eure) affiche un revenu fiscal médian 2,6 fois moins élevé que Bois-Guillaume (Seine-Maritime). L'Oise est un département favorisé, mais la ville de Creil est particulièrement marquée par la pauvreté. Enfin, villes et campagnes ne sont pas confrontées aux mêmes inégalités et aux mêmes formes de pauvreté, le monde rural étant moins touché par la crise actuelle, même si là aussi les contrastes y sont marqués.

L'Insee note les difficultés sociales particulières que rencontrent les quartiers dits de la "politique de la ville" dans une période de crise de l'emploi, mais que celles-ci débordent aussi dans des territoires non étiquetés comme en difficulté, comme c'est le cas par exemple dans l'agglomération caennaise. Au sein même des quartiers prioritaires, les écarts peuvent être importants.

Synthèses par région1 :

La Franche-Comté figure au 17e rang de l'ensemble des régions par le niveau des inégalités de revenu indique une étude publiée par l'Insee Franche-Comté (septembre 2013). Cette situation cache de écarts très nets selon les départements. La Haute-Saone est l'un de ceux où les inégalités sont les plus faibles, avec un rapport de 1 à 2,5 entre les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres1, mais dans le Doubs, le même écart va de 1 à 4,3. Le taux de pauvreté atteint 13,2 % (au seuil de 60 % du revenu médian) en 2010 en France-Comté, ce qui est inférieur à la moyenne française (14,1 %). Mais il s'échellonne de 12,5 % dans le Jura à 14,6 % dans le territoire de Belfort. Dans la région comme pour l'ensemble de la France, le taux de pauvreté augmente. Il était de 12,2 % en 2006.

L'Insee Franche Comté (mars 2013) propose des cartes illustrant les disparités de revenus dans les 15 plus grandes villes de la région qui permettent une lecture très fine des inégalités. Malheureusement sans commentaire. La région avait publié en 2011 une note sur les disparités sociales à Belfort et Montbéliard (décembre 2011).

 

L’Insee Lorraine, qui note que la pauvreté se concentre dans les milieux urbains en Meurthe-et-Moselle (juillet 2012). La part des allocataires de la CAF à bas revenus est deux fois moins importante en milieu périurbain que dans les grandes villes ou dans l’espace rural. C’est autour de Nancy et de sa couronne que la part de bas revenus est la plus importante. Et le type d'habitat (maisons individuelles, logements sociaux, parc privé, etc.) joue un grand rôle : « La ségrégation s’effectue au niveau des logements. A chaque type de logement correspond un revenu de la population », écrit l’Insee Lorraine.

Dans une étude sur les quartiers prioritaires (juillet 2013) qui regroupent 170 000 habitants dans la région, l'institut relève que le revenu annuel médian de ces territoires (10 400 euros par an et unité de consommation) est parmi les plus faibles toutes régions confondues. Non seulement ces quartiers sont pauvres, mais l'écart avec la moyenne régionale – moins 40 % – est l'un des plus forts de France. Dans le quartier "Cité de la Forêt" à Sarreguemines, le plus pauvre de Lorraine, pas moins de 61 % des habitants disposent de bas revenus.

En Haute-Normandie, les inégalités de revenus sont plutôt moindres que dans les autres régions, remarque l'Insee de la région dans une note de synthèse publiée en juillet 2013. Le niveau de vie 2 : médian (18 955 euros par an par unité de consommation en 2010) est équivalent à celui de la France de province (18 861 euros), mais les 10 % les plus riches déclarent un revenu inférieur aux catégories aisées du reste de la province. Des deux départements qui composent la région, la Seine-Maritime est moins favorisée : les 10 % les plus pauvres y touchent au mieux 6 500 euros (avant impôts et prestations sociales), contre 7 500 euros dans l'Eure. Le taux de pauvreté atteint 14,4 % dans le premier département, contre 12,1 % dans le second.

Comme dans la plupart des régions, les niveaux de vie sont supérieurs dans l'espace périurbain (20 151 euros) et plus faibles dans les communes rurales éloignées (17 486 euros). Les inégalités sont les plus fortes dans les plus grandes villes. Les contrastes sont élevés entre certaines communes comme Val-de-Reuil qui affiche 11 700 euros de revenu fiscal médian (avant impôts et prestations sociales) contre 29 500 euros à Bois-Guillaume. Enfin, la dégradation de la situation économique touche durement la région. Selon une autre étude de l'Insee Haute-Normandie, en 2012, le nombre de titulaires du RSA a augmenté de 6,7 % contre 5 % en moyenne nationale.

"La crise économique accroît les inégalités", indique une courte note de l'Insee Basse-Normandie (mai 2013). Le taux de pauvreté y est plus faible que la moyenne nationale, mais le niveau de vie médian augmente moins vite et la croissance des inégalités y est plus forte. Alors que le décile le plus faible a baissé de 0,5 % entre 2008 et 2010, le plus élevé a progressé de 2,8 %. L'Insee souligne que les niveaux de vie continuent à augmenter en milieu rural, alors que la diminution est très forte pour les plus pauvres vivant en ville (-5 % entre 2008 et 2010). "L'indicateur de croissance des inégalités explose", note l'Insee.  Une étude sur les quartiers de la politique de la ville dans l'agglomération caennaise (décembre 2012) souligne que certains quartiers hors du zonage officiel d'intervention publique rencontrent des difficultés.

Le taux de pauvreté est de 12,4 % (données 2010) en région Centre, l'un des plus bas des régions françaises, indique l'Insee Centre dans une courte note (mai 2013). L'Indre apparaît comme le département de la région où le taux de pauvreté est le plus élevé (14,7 %) alors que l'Eure-et-Loir est beaucoup mieux situé (11,3 %). Quand on y regarde de plus près, certains territoires connaissent une situation bien plus dégradée. Le revenu médian pour une personne est de 10 900 euros dans les quartiers de la politique de la ville de la région Centre, contre 18 400 euros pour l'ensemble du territoire, indique une étude sur ces 77 quartiers défavorisés (mai 2013) qui rassemblent 194 000 habitants soit 7,6 % de la population de la région. Le quart des quartiers les plus pauvres parmi les quartiers de la politique de la ville de la région sont, avec un revenu médian de 8 700 euros, parmi les plus démunis de France. Dans le quartier Saint-Jean à Châteauroux, le revenu médian s'élève à 6 500 euros, trois fois moins que la moyenne régionale. Les sept plus grands quartiers concentrent un tiers de la population des quartiers prioritaires. A Dreux, plus de la moitié de la population vit dans un quartier de la politique de la ville. L'Insee souligne que la crise frappe de façon différente les quartiers : certains s'appauvrissent (le Sanitas à Tours), d'autres voient leurs revenus augmenter, comme Plateau-Est à Dreux, notamment sous l'effet de programmes de réhabilitations.

Les niveaux de vie des Picto-Charentais sont inférieurs à la moyenne nationale, souligne une étude de l'Insee Poitou-Charentes (mars 2013). La région se place au 16e rang sur 22 (données 2010). Mais les inégalités sont aussi moins importantes : le rapport interdécile se situe à 3,2 contre 3,5 en moyenne nationale, essentiellement parce que les 10 % les plus riches y ont un niveau de vie inférieur aux 10 % les plus riches du pays. Le taux de pauvreté au seuil de 60 %, 14,3 %, est légèrement supérieur à la moyenne nationale (14,1 %). C'est en Charente que la pauvreté est la plus forte (15,5 %) et dans les Deux-Sèvres (13,3 %) qu'il est le plus faible.

L'Insee Midi-Pyrénées souligne la situation difficile des quartiers prioritaires, en particulier de 14 zones urbaines sensibles qui font l'objet "d'un grand décrochage", selon l'Insee (février 2013). L'Institut propose un tableau de bord de la précarité (avril 2013) et notamment des cartes de la précarité urbaine. Dans une étude antérieure, l'Insee avait montré l'importance des écarts à l'intérieur des villes-centres et en particulier à Toulouse (novembre 2011).

La région Provence-Alpes-Côte d'Azur est la quatrième région française par le niveau de pauvreté, qui touche 15,7 % de la population (donnée 2009 au seuil de 60 % publiées en juillet 2012). L'intensité de la pauvreté y est forte souligne l'Insee Paca : la moitié des personnes pauvres vivent avec 758 euros par mois (équivalent pour un individu seul), soit 200 euros de moins que le seuil de pauvreté. Un habitant sur cinq réside dans un quartier prioritaire contre un sur huit en France métropolitaine, selon une étude de décembre 2012. L'Insee note aussi les écarts entre quartiers de la politique de la ville : la région rassemble à la fois les quartiers parmi les plus pauvres du pays (au nord de Marseille notamment) et des quartiers de la politique de la ville beaucoup moins en difficulté.

Dans un document de travail (juillet 2012), l’Insee-Auvergne dresse un état des lieux de la situation du territoire comparée au niveau national. La région est parmi les quatre plus pauvres selon le revenu médian. Le Puy-de-Dôme se situe autour de la moyenne nationale en matière de taux de pauvreté (12,7 %), mais le taux atteint 17 % dans le Cantal. Une pauvreté souvent rurale, liée à la présence de personnes âgées isolées. Comme le note l’Insee, l’Auvergne est la région où la pauvreté des personnes seules est la plus élevée. Dans le Cantal, le taux de pauvreté des 65 ans et plus atteint 19 %, contre 9,5 % en moyenne en France métropolitaine. Dans une note de synthèse (juin 2013), l'Insee-Auvergne souligne que "la crise creuse les inégalités" dans le département : les plus pauvres s'appauvrissent et les plus riches s'enrichissent : "la crise a touché plus durement les Auvergnats les plus modestes", écrit l'Insee.

La Picardie, elle aussi région pauvre, offre un visage différent, selon une note de lInsee Picardie (juillet 2012). Les écarts y sont considérables entre l’Oise, avec un taux de pauvreté de 11,5 %, et l’Aisne, où celui-ci atteint 17,1 % (données 2009). La pauvreté se concentre dans les villes : les ménages ruraux disposent en moyenne de revenus supérieurs de 1 500 euros annuels à ceux des villes. Le taux de pauvreté est de 10,6 % dans les campagnes picardes, contre 17 % dans les villes.

 

Voir aussi :

– Les premières estimations du Compas sur la pauvreté au niveau des communes.

– D'autres études de l'Insee sur le même thème en Franche-Comté Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Languedoc-Roussillon et Bretagne.

Article mis à jour le 19 août 2013.

 

Notes:

  1. Cette liste n'est pas exhaustive. Nous ne citons que les principales et les plus récentes.
  2. Après impôts et prestations sociales.