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Neuilly-sur-Seine, Paris, Boulogne-Billancourt : tel est le trio des villes les plus inégalitaires selon le rapport dit « inter-décile », qui divise le revenu minimum des 10 % les plus riches1 par celui maximum des 10 % les plus pauvres. Neuilly, la ville la plus inégalitaire, surclasse les autres : le seuil d’entrée au sein des 10 % les plus riches y est presque huit fois supérieur au seuil des 10 % les plus pauvres. Paris, seconde au classement, n’est « qu’à » 6,6 fois plus. Dans les villes qui suivent (Boulogne-Billancourt, Annemasse,…), le seuil des 10 % les plus riches est 5 fois supérieur, contre 3,5 fois en moyenne pour la France métropolitaine.

La position de Neuilly-sur-Seine est particulière car les plus aisés ont un niveau de vie exceptionnel. Le seuil d’entrée au sein des 10 % les plus riches est de 107 000 euros par an (après impôts et prestations sociales) pour une personne seule, contre 61 000 euros à Saint-Cloud (autre ville de banlieue parisienne). Notre classement, selon l’écart inter-décile (la différence en euros entre les très riches et les très pauvres, voir graphique ci-dessous), fait ressortir les villes les plus aisées de France : Neuilly, mais aussi Saint-Cloud, Saint-Mandé, Boulogne-Billancourt, etc. Elles se situent toutes en banlieue parisienne. Encore faut-il prendre en compte l’effet des découpages administratifs : les 6e, 7e, 8e et 16e arrondissements parisiens n’apparaissent pas dans notre classement alors qu’ils se situent au niveau de Neuilly et que les inégalités y sont encore plus grandes (le rapport inter-décile y est de 9).

Les villes les plus inégalitaires sont les villes où la population est la plus aisée. Pourtant le classement cache des formes différentes d’inégalités de niveau de vie. Ainsi Annemasse (banlieue de Genève), quatrième ville la plus inégalitaire selon le rapport inter-décile, est assez différente des communes de l’Ouest parisien : les pauvres ont un revenu très inférieur à la moyenne nationale et les plus riches ne se situent pas au niveau des villes privilégiées d’Île-de-France. Dans certaines villes, les pauvres sont particulièrement pauvres, mais on y trouve tout de même une population assez aisée. C’est le cas de Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis, en 14e position) où le seuil des 10 % les plus pauvres est parmi les plus bas de France alors que le seuil des plus riches, très loin d’atteindre le niveau de la banlieue ouest, est supérieur à celui des communes les plus pauvres. Cette situation prévaut dans un assez grand nombre de communes de banlieue de l’Est parisien.

ineg_ville_rapport_faibleLe Grand-Quevilly (76), Couëron (44) et Coudekerque-Branche (59) sont les villes les plus égalitaires selon le rapport inter-décile. L’égalité prend là aussi des formes différentes. D’abord des communes comme Le Grand-Quevilly, Couëron ou Saint-Médard-en-Jalles (33) que l’on pourrait qualifier de « villes classes moyennes » : les pauvres sont plutôt moins pauvres et les riches moins riches qu’ailleurs, d’où de moindres inégalités. Ensuite, des communes peu favorisées du Nord (Grande-Synthe, Coudekerque-Branche, Wattrelos) : le seuil des 10 % les plus riches est loin de celui des villes les plus riches et les pauvres sont un peu moins pauvres que dans les villes les plus déshéritées.

Les villes où l’écart inter-décile est faible (entre 15 et 18 000 euros par an) figurent très souvent parmi celles où le taux de pauvreté est élevé. Une sorte « d’égalité par le bas » : dans ces communes, riches et pauvres sont un cran très en dessous de la moyenne. On entre dans le dixième le plus favorisé avec environ 25 000 euros, quatre fois moins qu’à Neuilly-sur-Seine. Les plus pauvres touchent au plus 7 à 8 000 euros par an.

Différentes formes d’inégalités

Les données sur les inégalités au sein des communes sont riches d’enseignements. D’abord sur le niveau inégal des inégalités et ses conséquences. Vivre à Rezé (44) ou à Saint-Cloud (92) ne signifie pas du tout la même chose en termes d’écarts de niveaux de vie. Elles indiquent aussi que les inégalités peuvent prendre des formes différentes selon la structure des niveaux de vie : par en haut (des riches très riches) ou par en bas (des pauvres très pauvres).

L’interprétation de ces chiffres invite à la prudence. Ils intègrent des communes de taille et de fonction parfois très différentes (une petite commune isolée, une grande ville de banlieue, etc.). L’étude des données par quartier serait, elle aussi, riche d’enseignements pour comprendre comment se structurent les inégalités et la mixité sociale à l’intérieur des communes. Enfin, il faut éviter de tirer des conclusions trop hâtives quant à la responsabilité des élus locaux. Ces situations se sont construites sur un temps très long, sous différentes majorités. Certaines communes peuvent être inégalitaires parce qu’elles ont accueilli les plus démunis dont les autres n’ont pas voulu. D’autres (parfois les mêmes) sont frappées par le chômage, phénomène contre lequel les élus locaux n’ont que des moyens d’action limités. Inversement, certaines villes sont « égalitaires » parce qu’elles cultivent l’homogénéité de leur population. C’est moins le niveau des inégalités qui compte que la façon dont ces inégalités se sont construites et structurent le territoire.

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Notes:

  1. Pour une personne seule, après impôts et prestations sociales. Villes de plus de 20 000 habitants. Les personnes vivant en communauté (maisons de retraites, foyers, etc.) ne sont pas comprises. L’Insee ne communique pas les données comparables pour les départements d’Outre-mer.