La France protège mieux les plus pauvres que la plupart de ses voisins européens. Notre pays est mieux armé pour faire face à une forte crise. Non seulement le taux est parmi les plus faibles, mais les personnes qui deviennent pauvres demeurent moins longtemps dans cette situation. Pour mesurer ce phénomène, Eurostat publie un indicateur dit « taux de persistance dans la pauvreté » : il s’agit de la part des ménages pauvres une année donnée qui l’étaient déjà au moins deux années au cours des trois années précédant la mesure. Ils ont donc été pauvres trois années sur quatre, en comptant la dernière. Ce n’est pas la « durée moyenne de pauvreté», mais on s’en rapproche.

En 20171 en France, 3,2 % de la population était pauvre et l’avait été au moins deux ans au cours des trois années précédentes (donc entre 2014 et 2026) au seuil à 50 % du niveau de vie médian. Seules la Suède (1,6 %) et la Finlande (1,6 %) se distinguent vraiment du lot avec des taux particulièrement faible. La Suède est un cas intéressant car le taux de pauvreté (9,5 %) est dans la moyenne européenne alors que le taux de persistance est le plus faible d’Europe. Cela veut dire qu’il y a dans ce pays une très forte rotation au sein de la population pauvre. D’une manière générale, la pauvreté est beaucoup moins durable dans le nord de l’Europe. On note tout de même que le Royaume-Uni se situe à 3,9 %, ce qui est bien meilleur que l’Allemagne (6 %). Le taux est de l’ordre de 8 % en Espagne, comme en Italie. En Croatie, Bulgarie et Roumanie il est supérieur à 10 %.

L’indicateur de persistance dépend en partie du niveau de la pauvreté de chaque pays. Si la pauvreté globale est faible, il sera nécessairement faible. En Finlande par exemple, le taux de pauvreté est de 5,4 %, moitié moins que pour la moyenne de l’Union européenne. Pour corriger cet effet, nous avons divisé l’indicateur de persistance dans la pauvreté par le niveau de la pauvreté de chaque pays : tout est remis sur une base de 100 %. Concrètement, on divise la part des pauvres deux années de suite au cours des trois années précédant l’enquête, par le niveau de pauvreté de chacun des pays. On construit alors ce que l’on peut appeler un « indicateur de persistance relative de pauvreté » 2.

En France, les pauvres qui étaient pauvres deux ans de suite au cours des trois années précédant l’enquête représentent la moitié des pauvres. La hiérarchie des pays selon la persistance relative de la pauvreté est assez similaire que celle de la persistance brute, mais il existe des exceptions. Ainsi pour cet indicateur le Royaume-Uni fait mieux que la France avec un rapport de 35 %. Cela signifie que, ramené à un niveau de pauvreté équivalent, on sort plus vite de la pauvreté Outre-manche que dans l’Hexagone. En Allemagne, en Italie et en Espagne l’indice se situe autour de 60 % : on en sort plus lentement.

Globalement, la France est un pays dont le modèle social protège mieux de la pauvreté : on y compte moins de pauvres et ceux-ci demeurent moins longtemps dans la pauvreté qu’ailleurs. Un grand nombre des pays qui font mieux que nous sont de plus petite taille, n’ont ni le même passé migratoire ni industriel. Cela ne veut pas dire qu’il faille se contenter de ce résultat. Il existe bien une pauvreté structurelle, notamment chez les personnes âgées, handicapées ou très peu qualifiées qui ont peu de moyens de sortir de la pauvreté. Par ailleurs, la France aide peu les jeunes de 18 à 25 ans (ils n’ont pas droit à un minimum social), qui sont aujourd’hui les principaux concernés par la montée du chômage.

Notes:

  1. Eurostat indique 2018, mais il s’agit bien des revenus perçus en 2017 en réalité. Compte tenu des différences de méthodes nationales, ces données sont des ordres de grandeur.
  2. Nos voisins anglais ont étudié de leur côté l’écart absolu entre les taux. Voir « Persistent poverty in the UK and EU : 2015 », Office for National Statistics, 27 juin 2017.