Pour l’Insee, en matière de revenus les départements d’Outre-mer sont des contrées lointaines qui n’appartiennent pas à la France. C’est ainsi que l’institut vient de publier un document dans lequel il situe le seuil de pauvreté à 600 € mensuels en Guadeloupe alors que celui-ci atteint 1 000 € pour la France « continentale ». Déjà en 2015, l’Institut avait chiffré les taux de pauvreté à 19 % en Guadeloupe, 21 % en Martinique et 44 % en Guyane1 en retenant non le seuil de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian national mais du niveau de vie médian local 2. En Martinique, le seuil de pauvreté tombe à 615 euros, en Guadeloupe à 588 et en Guyane à 558 euros. Si on utilisait le seuil national, le taux de pauvreté dans ces départements serait en réalité proche de 33 % selon les évaluations du Compas3.

La pratique est d’autant plus étonnante que le coût de la vie est plus élevé dans les Dom. Selon l’Insee, les prix sont supérieurs de 13 % en Guyane, 9,7 % en Martinique et 8,3 en Guadeloupe. 4. Les fonctionnaires disposent d’ailleurs d’une surrémunération – de 40 % par exemple dans les Antilles – pour compenser ce phénomène.

La mauvaise connaissance des revenus dans les Dom et les différences de fiscalité ne peuvent pas à eux seuls expliquer l’utilisation d’un seuil différent dans ces territoires. Pourquoi ne pas faire de même en Seine-Saint Denis ou dans le Cantal ? Au fond, le calcul de l’Insee revient à considérer que la population la plus défavorisée des Dom, du fait de sa différence, doit se satisfaire d’une norme de niveau de vie inférieure à celle de la métropole. Ce calcul cache pour partie la misère qui règne dans ces territoires et les inégalités qui y demeurent5. Le plus grand dénuement y côtoie les plus grandes richesses. Les couches aisées des départements d’outre-mer perçoivent des revenus comparables aux plus riches de la métropole.

Ces données en disent long sur l’intérêt porté aux Dom sur le continent. Au passage, on remarquera qu’elles portent sur l’année 2011 et ne permettent donc en rien de comprendre ce qui se joue actuellement. Cette situation explique pour partie l’incapacité des pouvoirs publics nationaux à comprendre les difficultés locales, d’où la naissance de crises comme celle qui a eu lieu récemment en Guyane.

Notes:

  1. Voir par exemple les données sur la Guadeloupe et la Martinique
  2. Contrairement à la Réunion qui affiche 42 % de pauvres.
  3. Le Compas est un bureau d’études spécialisé dans l’analyse des données sociales locales. Il finance le Centre d’observation de la société.
  4. Voir «Comparaison des prix entre les Dom et la métropole en 2010», Insee Première n°1304, juillet 2010 et aussi « Vie chère et pauvreté à la Réunion », François Hermet et Jean-Yves Rochoux, Informations sociales n°186, 2014.
  5. Voir « Les départements d’outre-mer marqués par les difficultés sociales et les inégalités« , Compas études n°9, octobre 2013.