Le seuil de pauvreté le plus souvent utilisé en France est de 1000 euros par mois pour un adulte seul, après impôts et prestations sociales (données Insee pour l’année 2013). Il représente 60 % du niveau de vie médian (1666 euros, lire notre définition). Ce seuil varie selon le nombre de personnes : il vaut 1500 euros pour un couple, 2100 euros pour une famille avec deux enfants de moins de 14 ans et 2 500 euros pour une famille avec deux enfants de plus de 14 ans, etc. Le choix de 60 % est arbitraire, on peut tout aussi bien utiliser 50 % (833 euros pour une personne seule) ou 40 % (667 euros).

Aucun seuil n'est plus d'objectif qu’un autre, ils ne mesurent pas la même chose. Le seuil à 60 % intègre des ménages dont les ressources sont très éloignées de ceux qui ont recours aux associations caritatives ou aux minima sociaux, environ 500 euros mensuels pour un adulte. 8,6 millions de personnes sont pauvres si l’on utilise au seuil à 60 %, ce qui regroupe des populations qui vivent dans le plus grand dénuement comme des familles modestes. Le seuil à 40 % est le plus proche de la représentation la plus répandue de la pauvreté. Un peu plus de deux millions de personnes, 3 % de la population, ont au mieux ce niveau de vie. Le seuil à 50 % constitue une mesure intermédiaire, la plus souvent utilisée jusqu’au milieu des années 2000. Un entre-deux entre une conception restrictive (les plus pauvres) et élargie (les personnes modestes) de la pauvreté. Il rassemble cinq millions de personnes, soit 8 % de la population totale.

Le tableau précédent, souvent présenté, utilise de façon abusive l'expression de "personne seule", en réalité il s'agit d'une "part". Les seuils utilisés par l'Insee sont théoriques : on prend le gâteau des revenus et on le découpe en parts, suivant une norme (un adulte vaut une part, un couple 1,5, etc., voir nos explications). Cette norme a l'avantage de permettre de comparer les types de ménages entre eux. Dans notre exemple, vivre avec 833 euros pour une personne seule est équivalent à 1 250 euros pour un couple si l'on utilise le seuil à 50 %, c'est le même niveau de vie.

Ce calcul est théorique : ce n'est pas ce que gagnent réellement les ménages. Si l'on observe le revenu disponible médian vraiment perçu par les personnes seules à partir de leurs déclarations, celui-ci est de 1 520 euros en 2013, non de 1 666 euros. Le seuil à 60 % n'est pas de 1000 euros mais de 913 euros, celui de 50 % passe de 833 euros à 760 euros. Dit autrement, la moitié des personnes seules vivent effectivement avec 760 euros par mois et non 833 euros. L'avantage de ces données est de livrer les véritables revenus par catégories. L'inconvénient est qu'elles ne sont plus comparables entre types de familles : on ne peut plus dire qu'une personne seule à 760 euros a un niveau de vie équivalent à celui d'un couple qui perçoit 1 476 euros.

 

Un seuil multiplié par deux depuis les années 1970

 

Le niveau de vie médian a été multiplié par deux depuis les années 1970 une fois l’inflation déduite. Cela veut dire que le seuil de pauvreté à 50 % de 2013 – la moitié du niveau de vie médian – est équivalent au revenu médian de 1970. Autrement dit, une partie des pauvres d’aujourd’hui dispose de niveaux de vie proches de ceux des classes moyennes de l’époque.

Etre pauvre, c’est être exclu des standards de vie, des normes de consommation, qui évoluent avec l’enrichissement de la société dans laquelle on vit. Il y a 20 ans, imaginer qu’une personne pauvre puisse disposer d’un téléphone portable aurait été impensable. Aujourd’hui, cela fait partie des éléments indispensables (comme la télévision, le réfrigérateur, etc.). D'où le regard que peuvent porter les générations les plus anciennes sur les niveaux de vie qui « dans leur temps » étaient très inférieurs.

Depuis les années 2000, l’élévation du seuil de pauvreté n’est plus linéaire. Le milieu des années 2000 a été marqué par une première baisse du seuil et c’est à nouveau le cas depuis 2009, avec un mouvement qui s’est accentué en 2012. La crise est telle que le niveau de vie médian baisse, et donc le seuil de pauvreté calculé en proportion. Un certain nombre de pauvres de 2011 n’ont plus été comptabilisés comme tels en 2012 alors que leurs revenus n’ont pas bougé. Les difficultés se généralisent et commencent à toucher les classes moyennes, ce qui fait baisser la pauvreté : c’est la logique d'une mesure relative.