Près de la moitié des ménages ont au moins un emprunt en cours de remboursement, selon les données 2010 de l’Insee[1]. En moyenne, les ménages ont 61 900 euros à rembourser, mais les montant sont très inégaux : la moitié a moins de 20 900 euros de dette. Si la question du surendettement des ménages occupe le terrain médiatique, celle de l’endettement tout court le fait beaucoup moins (à la différence de la dette de l’Etat). Les plus riches sont plus souvent endettés, mais les plus pauvres ont un niveau d’endettement supérieur, si on le rapporte à leurs revenus.

Parmi le quart des ménages aux plus bas niveaux de vie, 23 % étaient endettés pour 22 000 euros en moyenne, contre 67 % du quart le plus riche, pour 105 800 euros en moyenne. L’explication est simple : on prête d’abord à ceux dont on estime qu’ils ont assez d’argent pour rembourser. Il y a dette et dette : les ménages les plus aisés s’endettent essentiellement pour des projets de long terme et paient comptant les biens de consommation. Les ménages les plus modestes s’endettent d’abord pour consommer. Un tiers des ménages dont le niveau de vie mensuel était inférieur à 830 euros par mois avaient un encours de crédit à la consommation de moins de 1 000 euros, contre 11 % de ceux dont le niveau de vie était supérieur à 2 500 euros. On prête aux catégories modestes, mais pour cela il leur faut en payer un prix élevé.

L’endettement n’est pas mauvais en soi. S’endetter, c’est accepter de payer un prix (les intérêts) pour bénéficier d’un bien que l’on ne peut s’acheter au comptant ou sans devoir attendre de mettre de l’argent de côté. Sans endettement, rares sont les ménages qui pourraient devenir propriétaires, s’acheter une voiture ou détenir d’autres biens coûteux avant d’avoir économisé de longues années. Reste à bien mesurer l’impact du crédit dans notre société, bien au-delà de la question du surendettement.

Utiliser le recours au crédit pour les dépenses courantes et non l’achat de biens durables, notamment à travers la pratique du « crédit renouvelable » (réserve de crédit permanente), revient à augmenter le coût de la vie du montant des intérêts. Avec un impact élevé. Début 2016, le seuil de l’usure* (appliqué par les vendeurs de crédits) était de 19,9 % alors que les taux d’intérêt des marchés financiers étaient de l’ordre de 1 %. Dans ce cadre, un bien payé 1 000 euros coûte en réalité 1 200 euros à la fin du remboursement. Pour certains ménages, le taux d’effort (montant des crédits rapportés aux revenus) atteint des niveaux considérables : un quart des ménages dont le niveau de vie est inférieur à 830 euros mensuels ont un taux d’effort supérieur à 40 % selon l’Insee, contre 6 % de ceux qui ont un niveau de vie supérieur à 2 500 euros.

Le crédit à la consommation constitue la pratique qui pose le plus de problèmes pour les ménages. Il se développe du fait de l’attrait de la consommation, mais aussi des taux pratiqués et des moyens de communication employés pour masquer le prix du service fourni, en le présentant comme une « réserve » d’argent. Ce phénomène redouble quand l’insécurité des parcours de vie augmente. Deux grands types de situations qui peuvent faire basculer un ménage endetté : la perte d’un emploi et la rupture au sein du couple. Du fait de la diminution des ressources, il devient concrètement plus difficile de rembourser. En même temps, le mode de consommation répond à des normes sociales : ajuster son train de vie à la baisse du revenu revient à reconnaître dans les faits un déclassement social. La pression est grande pour maintenir son « rang », ou minimiser l’impact des difficultés que l’on rencontre.

* Taux maximum autorisé pour les prêts.

 


[1] « Endettement domestique des ménages au début 2010. Enquête patrimoine 2010. », Insee résultat n°135, Insee, novembre 2012.