Où vit-on le plus longtemps en bonne santé ? Les données habituellement publiées sur l’espérance de vie à la naissance mesurent une durée de vie totale, sans tenir compte de l’état de santé des personnes. Pour tenter de contourner cette difficulté, les chercheurs calculent « l’espérance de vie en bonne santé » (lire notre article sur la France) en posant la question suivante à la population :  « dans quelle mesure avez-vous été limité depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que font les gens habituellement ? ». Un travail riche d’enseignements, mais à utiliser avec précaution.

Alors que l’espérance de vie moyenne est de 77,5 ans pour les hommes et 83,2 ans pour les femmes dans l’Union européenne, elle se réduit à respectivement 63,5 ans et 64,5 ans en bonne santé, 14 ans et 19 ans de moins. Première leçon : l’espérance de vie s’allonge, mais pour la grande majorité, la fin de vie reste difficile, avec une situation physique parfois très dégradée. L’image des « seniors » hyperactifs mis en avant par la publicité est trompeur, le travail continue à user. Le temps passé à la retraite en bonne santé n’est pour la majorité que de quelques années a mieux.

La deuxième leçon, fondamentale, c’est que l’écart entre hommes et femmes se réduit très nettement quand on passe de l’espérance de vie tout court à l’espérance de vie en bonne santé. Les femmes vivent six années de plus en moyenne au total, mais une seule supplémentaire en bonne santé : leur avantage n’est donc qu’en partie apparent. Même s’il faut être prudents car femmes et hommes peuvent avoir un jugement différent de ce qu’est la « bonne santé ».

La troisième leçon, c’est que l’on a bien du mal à expliquer les écarts entre pays. Si l’on retire les plus petits, peu significatifs, c’est en Suède, en Italie et en Irlande (Espagne pour les hommes) que l’on vit le plus longtemps en bonne santé, trois pays aux modes de vie et aux systèmes de soin très différents. Un très grand nombre de facteurs jouent : l’alimentation, les conditions et la durée du travail, le système de santé, les pratiques à risque, etc. Championne pour l’espérance de vie, la France est dans la moyenne (à pays comparables) pour l’espérance de vie en bonne santé. Le système de soins, et en particulier sa qualité technique, ne semble pas être un élément majeur dans ce domaine.

Beaucoup reste à faire pour comprendre le mystère des écarts d’espérance de vie entre pays. Il faut bien garder à l’esprit le caractère déclaratif de l’espérance de vie en bonne santé mesurée par le biais de questionnaires : on ne se déclare pas partout en mauvaise santé de la même façon. Les variations entre pays peuvent aussi venir de variations de cette sensibilité aux limites physiques.