Les "déserts médicaux" sont-ils un faux problème ? La quasi-totalité de la population française vit à moins de 15 minutes d’un médecin généraliste, rappelle un document de l’Insee et 84 % de la population habite une commune où exerce un médecin (données 2010). Les chiffres sont identiques pour les infirmiers ou les masseurs-kinésithérapeutes. Pour les ophtamologues et gynécologues, les distances sont plus grandes, mais 98 % de la population vit à moins de 30 minutes des premiers et c’est le cas de 95 % pour les seconds. "Les problèmes d'accessibilité géographique concernent pour l'instant des micro-zones du territoire", conclut le rapport le plus complet sur le sujet, publié par le ministère de la santé en 2011. Cette situation traduit la bonne implantation d’un système de santé coûteux mais de qualité. Elle ne signifie pas pour autant que l’accès aux soins ne soit plus un problème.

Tout d’abord, la situation est différente pour les soins plus pointus. Compte tenu des investissements à réaliser, il n’est pas possible de couvrir la France de blocs opératoires. 95 % de la population peut accéder à un hôpital en moins de 45 minutes rappelle le ministère de la santé. Vu autrement, cela veut dire aussi que trois millions de Français (les 5 % restant) en sont éloignés. En raison des files d’attente ou selon la réputation des services, les patients ne vont pas toujours au plus proche. Comme le note l’Insee Limousin, en matière de chirurgie viscérale 4 % des patients de la région habitent à plus de 45 minutes d’un établissement de soins pratiquant cette spécialité, mais près d’un quart des patients ont été hospitalisés à plus de 45 minutes.

Pour certaines spécialités, les temps effectifs s’allongent : ainsi, le temps médian est de 24 minutes pour l’accès à un ophtalmologue, mais il atteint plus d’une heure dans l’Indre, l’Ariège ou les Vosges, rappelle une seconde étude du ministère de la santé sur les disparités territoriales d'accès aux soins hospitaliers. Il faudrait d'ailleurs prendre en compte les tarifs : aller au plus près n'est pas forcément toujours possible si l'on doit débourser davantage. Comme le note le ministère, le temps augmente pour les praticiens conventionnés de secteur 1 (qui ne pratiquent pas de dépassements d'honoraires) : en Ile-de-France, le temps moyen d’accès (mesuré par la distance) est multiplié par deux si l’on considère les cardiologues, les gynécologues ou les pneumologues par exemple. Les études font d’ailleurs comme si chacun avait accès à un véhicule pour se rendre chez le médecin, ce qui n’est pas toujours le cas, notamment pour les plus âgés.

A l'avenir, la situation risque de se dégrader au fil de l’implantation des nouveaux médecins, notamment dans les zones rurales. « Dans la décennie à venir, l’effectif de médecins et la densité médicale vont baisser, de façon transitoire mais notable. Parallèlement, la population va continuer à s’accroître et la proportion de personnes âgées, fortes consommatrices de soins mais moins mobiles va augmenter », indique le ministère de la santé. Un constat déjà effectué localement. Récemment, l'Insee Loraine soulignait le déficit de médecins dans certains territoires, notamment dans le bassin houiller.

  Un nouvel indicateur : l’accessibilité potentielle localisée
Pour mieux comprendre les écarts entre les territoires d’accès aux soins, le ministère de la santé et l’Insee ont calculé un indice, qui prend en compte le temps parcouru, le type de population (les plus âgés et les jeunes enfants ont davantage recours aux soins), et la disponibilité des médecins généralistes, indicateur baptisé « l’accessibilité potentielle localisée ». Cet indicateur prend la valeur de 71 médecins accessibles en équivalent temps plein pour 100 000 habitants, il est de plus de 80 dans les communes des grands pôles urbains hors de Paris et dans les communes des moyens ou petits pôles urbains, mais de 50 dans les communes rurales.

Pour en savoir plus :

– "Offre de soins de premier recours : proximité ne rime pas toujours avec accessibilité", Insee première n°1418, Insee octobre 2012.

– "Distances et temps d'accès aux soins en France métropolitaine", Etudes et résultats n°764, ministère de la santé, juin 2011.

-"Les distances d'accès aux soins en France métropolitaine au premier janvier 2007", Document de travail de la Drees n°22, juin 2011.

– "L'accès aux soins hospitaliers n'est pas qu'affaire de distance", Focal n°83, Insee Limousin, juin 2012.

– "Les disparités territoriales d'accès aux soins hospitaliers : comparaisons de deux spécialités", Etudes et résultats n°794, ministère de la santé, mars 2012.