En matière de couple, qui se ressemble s’assemble, et le milieu social compte pour beaucoup dans cette ressemblance. Les sociologues français n’étudient plus guère ce phénomène pourtant qu’ils qualifient d’«homogamie », pourtant essentiel pour comprendre la reproduction sociale. Les dernières données sur le sujet datent de 1999. Un travail peu connu du sociologue Milan Bouchet-Valat, permet d’actualiser ces données. Il fait apparaître une diminution de l’homogamie dans le temps long.

En 2011, 78 % des ouvriers vivaient avec une ouvrière ou une employée, alors que ces dernières ne représentaient que 53 % des conjointes 1. Seuls 2,8 % des ouvriers vivaient avec une femme cadre supérieur. 38 % des cadres supérieurs formaient un couple avec une femme de même catégorie sociale, soit 2,6 fois plus que leur dans la population des conjointes. Une autre étude récente 2 apporte des éléments sur l’homogamie en fonction du diplôme des conjoints. Là aussi, les résultats sont édifiants : les deux tiers des hommes sans diplôme nés en 1970 vivaient en couple avec une femme ayant au mieux le BEP. 82 % des bac + 5 l’étaient avec une femme disposant au moins d’un bac+2. Seuls 4 % des bac+5 cohabitaient avec une femme sans diplôme.

L’amour entre deux personnes n’est pas uniquement le fruit du hasard et des goûts personnels. Plus exactement, ces goûts sont socialement orientés en fonction de notre milieu : on aime vivre avec une personne qui partage un mode de vie similaire, de mêmes habitudes de loisirs, des centres d’intérêt communs, une même façon de parler, etc. Autant d’éléments qui dépendent en grande partie de l’origine sociale.

Les premiers résultats des travaux de Milan Bouchet-Valat, sur la période 1969-2011, font apparaître une tendance à la diminution de l’homogamie entre catégories sociales ou entre diplômés et non diplômés. « L’homogamie en termes de diplôme, de classe sociale et de classe sociale d’origine a clairement décliné en France au cours des quarante dernières années », indique-t-il3. Seuls les plus diplômés se marient toujours autant entre eux, mais, globalement, la massification de l’enseignement a transformé la formation des couples. « Au total, la société française paraît ainsi plus ouverte aujourd’hui que dans les années 1960 », explique le sociologue.

Reste qu’un facteur rend complexe la comparaison dans le temps : l’élévation très marquée du taux d’activité féminin, passé de 47 à 85 % pour les femmes âgées de 30 à 59 ans entre les années 1970 et 2010. A 40 ans d’intervalle, les populations de femmes sont très différentes, et les écarts de niveau de diplôme se sont beaucoup réduit au sein de la population. Enfin, on l’évoque rarement 4, mais la hausse de l’activité féminine associée à l’homogamie a accru les inégalités de revenus entre les couples. Ceux-ci se composent en effet de plus en plus souvent de deux actifs de niveau de vie semblables.

homogamie

 

 

Notes:

  1. Données pour les couples dont au moins une personne a entre 30 et 59 ans.
  2. « Avoir un diplôme pour faire une bonne carrière ou un bon mariage ? », Pierre Courtioux et Vincent Lignon, Edhec Business School, mai 2014.
  3. In « Les évolutions de l’homogamie en France », Milan Bouchet-Valat, Revue française de sociologie n°55-3, à paraître.
  4. Voir : « Croissance et inégalités Distribution des revenus et pauvreté dans les pays de l’OCDE », OCDE, octobre 2008.