Selon le ministère des Affaires sociales, 150 000 jeunes étaient confiés à l’aide sociale à l’enfance sous la responsabilité des conseils départementaux fin décembre 20131. Au total, plus de 300 000 mesures ont été prises, incluant les mesures de soutien à domicile ou en milieu ouvert. Les jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance ont en moyenne 12 ans, 14 % ont moins de six ans, 13 % sont majeurs. On compte un peu plus de garçons que de filles. La moitié vit dans des familles d’accueil, 39 % dans des établissements et 10 % ont d’autres formes d’hébergement. Les plus jeunes sont plus souvent en famille d’accueil : les deux tiers des moins de onze ans sont dans ce cas.

Au-delà de ces chiffres, on sait peu de choses sur ces enfants et notamment leur milieu social d’origine : «  Nous sommes en droit de nous demander si l’absence d’information sur ce thème est un choix délibéré des professionnels de ne pas stigmatiser les familles ou révélateur d’une situation tellement entendue qu’elle n’est pas notée. », notent les auteurs d’une étude sur les politiques sociales à l’égard des enfants en danger2 qui indiquent : « nous avons préféré ne pas traiter cette question plutôt que de la « maltraiter » ! ». Pourtant, tous les ans un Observatoire national de la protection de l’enfance (ex Observatoire national de l’enfance en danger) remet un rapport au gouvernement et au Parlement, mais celui-ci ne s’intéresse guère aux caractéristiques des enfants3. D’ailleurs, chaque département devrait être en mesure de produire des données très précises sur le sujet. Visiblement, savoir qui est vraiment ce « public » d’enfants n’est pas prioritaire pour les institutions à qui ils sont pourtant confiés.

Massivement, ces enfants sont issus des catégories populaires. Une étude menée en 2007 dans le département du Finistère indiquait que 94 % des mères et 85 % des pères étaient sans profession, ouvriers ou employés. Un tiers touchaient le Revenu minimum d’insertion (à l’époque) ou l’Allocation adulte handicapé4. Encore faut-il être prudent à propos de la nature du lien à établir. Les difficultés sociales et économiques des familles peuvent avoir des conséquences sur leur mode de vie et leurs relations avec leurs enfants. Mais comme le note Emilie Potin, l’auteure de l’étude, la causalité peut être inversée : « Parce qu’elles bénéficient d’aides sociales, elles bénéficient d’un suivi qui fait qu’elles sont plus « regardées ». Plus les populations sont « visitées », plus des risques sont repérés, des signalements effectués et des enfants sont placés. ».

Etre « placé » – on dit aujourd’hui  « confiés » – n’est ni une maladie, ni un état définitif : une partie des enfants ne sont dans cette situation que pour un temps réduit, parfois quelques mois. Le placement doit servir à éviter des conséquences plus graves pour les jeunes. Quoi qu’il en soit, dans une société où la famille demeure l’une des organisations essentielles de la société, la rupture plus ou moins durable avec le domicile des parents reste un marqueur dans les trajectoires de ces enfants. Ce n’est pas tant le placement lui-même que les conditions qui ont abouti à celui-ci qui pourra avoir des effets sur la vie des personnes concernées, comme le note un rapport de l’Observatoire national de l’enfance en danger5.  Selon l’ampleur des difficultés rencontrées dans l’enfance, leur personnalité et la qualité de la prise en charge, ils pourront à des degrés divers, en modérer les conséquences mais non  les effacer.

Notes:

  1. « Les bénéficiaires de l’aide sociale départementale en 2013 », Série statistique n°196, min. des Affaires sociales, juin 2015.
  2.   « Les politiques sociales à l’égard des enfants en danger », Ined-CNRS-Université de Caen, mars 2009.
  3. « Dixième rapport au Gouvernement et au Parlement », Oned, éd. La documentation française, mai 2015.­­
  4. « Parcours de placement… du simple lieu d’accueil à la négociation d’une place dans une autre famille ». Rapport de recherche sur les parcours des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance du Finistère, Emilie Potin, Université de Bretagne occidentale, conseil général du Finistère, Atelier de recherche sociologique, novembre 2007.
  5. « Le placement durant l’enfance : quelle influence à l’âge adulte », Serge Paugam, Jean-Paul Zoyem, Abdia Touahria-Gaillard, Oned, mai 2010.