Le débat sur l’insécurité est vif en France. Pourtant, aucune donnée statistique n’indique que le sentiment d’insécurité augmente. La part de personnes qui se disent « en insécurité dans leur quartier ou leur village » est passée de 13,5 % à 14,1 % chez les femmes et de 8,1 % à 8,2 % chez les hommes entre 2007 et 2019, selon les enquêtes cadres de vie et sécurité de l’Insee1. La modeste progression du taux chez les femmes est de l’ordre de la marge d’erreur statistique.

Les données détaillées par sexe et âge publiées par l’Insee livrent des éléments intéressants au débat. Tout d’abord, elles soulignent l’importance de l’écart entre femmes et hommes : la peur de l’insécurité est bien plus souvent féminine. Le sentiment d’insécurité est surtout très élevé chez les jeunes femmes. Plus d’un cinquième des 14-29 ans sont inquiètes. Pour elle, on observe d’ailleurs une progression assez nette, mais qui date des années 2000. Entre 2007 et 2013, la part de jeunes femmes qui disent se sentir en insécurité dans leur quartier ou leur village a augmenté de 16 % à 21 %, ce qui est pour le coup notable. Malheureusement, la tranche d’âge rassemble des femmes en situations très différentes : des préadolescentes qui vivent avec leurs parents comme des adultes autonomes qui approchent la trentaine. Ont-elles été plus touchées ? Est-ce leur perception qui a évolué ? Quoi qu’il en soit, il y aurait là matière à analyse et à apporter des réponses.

Pas plus que les faits constatés par la police et la gendarmerie, les enquêtes auprès de la population ne permettent d’observer une hausse du sentiment d’insécurité. Pourquoi alors autant de débat sur le sujet ? Généraliser à partir de faits divers n’a aucune valeur mais, en jouant sur les peurs, cela fait de l’audience. Cette audience fait des recettes – via la publicité – pour les médias, de la notoriété pour les experts et les élus.

Que s’est-il passé depuis 2019 ? L’enquête 2020 n’a pas pu avoir lieu du fait de la crise sanitaire. Ce qui, au fond, n’est pas si important que cela. Dans ce domaine comme bien d’autres, les variations annuelles n’ont guère de valeur pour comprendre les transformations sociales profondes. Elles mesurent surtout la médiatisation du sujet. Ainsi par exemple, compte tenu de l’ampleur de la campagne médiatique autour des faits divers, il est probable que l’on constate un regain pour les données de l’enquête réalisée en 2021.

Pour l’avenir, l’évolution du sentiment d’insécurité dépendra de manière structurelle de deux grands facteurs. Des faits d’abord. Globalement, les violences physiques diminuent sur longue période dans nos sociétés, surtout les plus graves. Mais le sentiment d’insécurité peut venir d’incidents moins importants, d’incivilités du quotidien. De leur perception ensuite : moins la violence est grande dans une société, plus on est sensible faux faits qui persistent. La stabilité que nous observons sur la période 2007-2019 peut tout à fait résulter d’un côté d’une baisse des faits et d’un autre côté d’une moindre tolérance à niveau de violence équivalente.

Notes:

  1. Enquête la plus sérieuse sur le sujet, auprès de 15 000 ménages.