De la santé à la communication, en passant par la mobilité ou les loisirs, l’accès à un univers complet de biens de consommation a révolutionné la société et a amélioré la vie quotidienne des Français depuis les années 1950. L’équipement progresse par vagues, et on peut distinguer deux grandes périodes.

Dans les années 1960 et 1970, la France entre dans la société de consommation, avec l’emblématique téléviseur, mais aussi le réfrigérateur ou le lave-linge. C’est aussi le cas de l’automobile, mais de façon plus lente. Il faut dire que le budget est bien plus élevé. Ces biens – notamment le lave-linge – libèrent un temps considérable en particulier pour les femmes qui réalisent l’essentiel des tâches domestiques. La télévision apporte le divertissement à domicile, l’auto donne une liberté de mouvement tout à fait nouvelle.

Pour ces biens, l’accès est désormais quasiment généralisé. Cela est moins vrai pour l’auto. Parmi les 17 % de ménages non équipés on trouve une population aisée, souvent jeune et urbaine, qui ne s’en équipe pas par choix et qui a les moyens de payer des services (taxis, voitures de location, train, etc.). Mais aussi des jeunes adultes qui n’en n’ont pas les moyens financiers et dont la mobilité est réduite. Deux biens d’équipement du foyer ont un statut particulier. Le micro-onde, qui se répand très rapidement, mais arrive tardivement en France à la fin des années 1990, plus de dix années après les Etats-Unis et le Japon. Pour le lave-vaisselle, le modèle de diffusion est différent, la part de ménages équipés augmente lentement et très régulièrement depuis les années 1970. Une partie des ménages semblent le trouver secondaire et/ou manquent d’espace, notamment parmi les personnes seules (dont seules un tiers sont équipées).

Les années 1990 marquent l’arrivée d’une seconde vague liée aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les magnétoscopes à partir des années 1980, puis les micro-ordinateurs, qui seront suivi par les téléphones portables et l’accès à Internet (lire notre article). L’arrivée de nouveaux écrans, tablette, téléphone, ordinateur portables font même décliner la part des ménages équipés de téléviseur. L’effet reste modeste, on passe de 97 % à 95 % entre 2013 et 2019, mais réel. Contrairement à une idée répandue, la vitesse de diffusion des biens des nouvelles technologies n’est guère plus rapide que celles des vagues précédentes : le téléphone portable ne s’implante pas plus vite que la télévision dans les années 1960. En 1962, 23 % des ménages étaient équipés, en 1972, ils étaient 75 %.

Et demain  ?

Comment va évoluer l’équipement des ménages dans les années qui viennent ? La quasi-totalité des ménages sont équipés en réfrigérateur, télévision ou le lave-linge. À tel point que l’Insee a arrêté de poser la question de l’équipement en réfrigérateur, par exemple. L’équipement en automobile progresse beaucoup moins vite depuis dix ans. Il est très probable qu’il restera une part plus importante de ménages non équipés, probablement autour de 10 %. Certains biens vont-ils disparaître ? L’Insee ne mesure plus l’équipement en lecteur CD, mais on peut imaginer qu’il va rapidement se marginaliser, comme l’a été la platine disque. Après les 78 tours, les 33 tours, les cassettes audios et vidéo, les CD et DVD disparaissent progressivement des rayons des bibliothèques. Le marché du livre électronique demeure embryonnaire, mais la lecture décline. L’équipement en micro-ordinateur plafonne voire baisse lui aussi, du fait de l’équipement en smartphone qui rend moins nécessaire cet objet encombrant dans les logements de petite taille.

Va-t-on assister à l’arrivée une nouvelle vague d’équipement ? Le home-cinéma – et en particulier les grands écrans TV – ont encore des marges de progression. Le micro-ordinateur pourrait disparaître, mais, pour une partie des travailleurs, l’équipement de bureau à domicile pourrait se développer avec le télétravail. Comme à la fin des années 1960, la critique de la société de consommation est vive aujourd’hui, notamment du fait de ses répercussions sur l’environnement : va-t-on vers une société plus frugale, dans laquelle on se pose davantage la question du sens de la consommation1 ? Pour l’instant, ces préoccupations restent l’apanage des catégories favorisées.

Une grande partie des catégories populaires demeurent loin du standard de vie moyen du pays. L’élévation des niveaux de vie a porté l’équipement des ménages et a réduit une partie des écarts entre milieux sociaux ce qui a conduit à une homogénéisation de l’équipement. Mais depuis 20 ans ce n’est plus le cas : d’où le ralentissement de la consommation. En outre, la distinction sociale perdure. Et parfois en sens inverse ! Les cadres supérieurs se distingue par le fait de ne pas être équipés en télévision. Ainsi, 31,6 % d’entre eux ont deux postes contre 48,7 % des ouvriers (données 2019). Les écarts se font dans l’usage des biens (le temps passé devant le petit écran par exemple), dans leur qualité (le type de véhicule par exemple) ainsi que dans l’accès aux services (abonnements, services à domicile, etc.). Moins visibles, ils ne sont pas pour autant essentiels.

Enfin, ce mouvement d’équipement du foyer ne doit pas faire oublier qu’une partie des ménages reste laissée pour compte du progrès et n’accède pas aux normes de base de la société. C’est vrai du logement en général, mais aussi de l’équipement du foyer. Il faut garder en tête que 2 % de la population française représente tout de même plus d’un million de personnes. Pour ces populations, le sentiment d’exclusion est d’autant plus fort que l’équipement est généralisé.

Notes:

  1.  La société de déconsommation, Cécile Desaunay, Ed. Alternatives, février 2021.