En 1978, 41 % des jeunes de 18 à 24 ans avaient quitté le système scolaire avec, au mieux, le brevet de fin de troisième et ne suivaient aucune formation selon le ministère de l’Éducation (ils sont qualifiés de « sortants précoces »). En quarante ans, cette proportion a été divisée par cinq et s’établit à 8,2 % en 2019 selon l’Insee1. L’évolution est considérable, même s’il reste encore une petite centaine de milliers de jeunes qui quittent le système scolaire chaque année avec un bagage faible. Parmi ces sortants précoces, une partie a continué au lycée sans toutefois obtenir le bac. La description souvent faite d’un système scolaire produisant en masse de l’échec est trompeuse : la proportion d’illettrés parmi les jeunes est inférieure à 5 %.

Sur longue période, la diminution de la part des peu diplômés est nette. Elle a surtout été forte entre les années 1970 et 1990 et s’est nettement ralentie depuis, comme si l’on atteignait un plancher. Remarquons tout de même que le processus semble avoir repris, plus lentement, depuis le début des années 2010 : le taux a baissé de 11 % à 8,2 % au cours de la décennie. Même si la France fait mieux dans ce domaine que tous ces plus grands voisins (Allemagne, Italie, Espagne et Royaume-Uni), dans de nombreux pays d’Europe le taux de sortants précoces est inférieur à 7 % (comme la Pologne, la Suède ou l’Irlande).

Les difficultés de ceux qui n’arrivent pas à décrocher un titre scolaire sont considérables. Depuis les années 1980, le niveau de qualification de la population a progressé, mais les exigences du monde du travail aussi : sous l’effet de l’évolution des technologies et surtout de la persistance d’un niveau de chômage très élevé. Les candidats à l’embauche sont nombreux et les entreprises privilégient les plus diplômés. D’où un effet de file d’attente et de déclassement d’une partie de la jeunesse. Ceux qui n’ont pas de titre scolaire sont relégués tout au bout de cette file.

Deux questions de fond se posent. La première est celle de la qualification des jeunes : comment s’assurer que tous soient mieux formés ? En mettant l’accent sur le tri des meilleurs (procédé qualifié parfois d’« l’élitisme républicain »), l’école française tend à accorder moins d’importance que d’autres pays à ceux qui ne réussissent pas à suivre le rythme des enseignements. Au collège, une partie des jeunes qui ne suivent plus attendent leurs 16 ans et disparaissent des radars de l’école ensuite. Pour réduire encore la part des sortants précoces, il faudrait déployer des efforts plus importants entre les classes de sixième et troisième pour ne perdre personne en route. La seconde question est celle de la place faite par les employeurs aux diplômes en regard d’autres critères comme la compétence personnelle, le fait d’avoir eu des activités non scolaires, etc. Une partie des difficultés des moins qualifiés est liée à la valeur que notre société accorde au titre scolaire et à son emprise dans la société2.

Notes:

  1. Notons tout de même qu’environ deux points de baisse sont dû à un changement de méthode à partir de l’année 2004.
  2. Sur ce sujet, voir Les sociétés et leur école. Emprise du diplôme et cohésion sociale. François Dubet, Marie Duru-Bellat et Antoine Vérétout, Seuil, 2010.