Le rythme annuel de progression des dépenses de consommation des ménages s’est sensiblement ralenti depuis les années 1980, passant de 5 à 6 % de croissance annuelle à une moyenne de 1 à 2 %, voire moins durant les périodes de crise. Dans des conditions particulières, l’année 2020 s’est soldée par une baisse jamais enregistrée par l’Insee de 6,6 %, suivie d’une nette reprise (+4,7 %)1 en 2021. Ce passage à un régime de croissance réduite  sur longue période ne signifie pas stagnation, sauf de 2008 à 2014. Depuis les années 1970, le niveau de la consommation moyenne par habitant a doublé, de 9 000 à 18 000 euros l’an, une fois l’inflation déduite. En moyenne, un Français de 2022 dépense deux fois plus que celui qui manifestait en 1968.

Comme pour le baby-boom d’un point de vue démographique, c’est moins le rythme actuel qui est hors du commun que l’ampleur exceptionnelle de la croissance durant les Trente Glorieuses. À l’époque, l’« American way of life » débarque et les ménages s’équipent à tour de bras en automobiles, en électroménager et se logent de mieux en mieux.

L’activité a fortement rebondi en 2021, suite à la dépression de 2020, mais, à long terme, le retour d’une croissance aussi forte et durable que durant les Trente Glorieuses reste très peu probable. Finalement, les sociétés riches semblent revenues à un régime plus équilibré que celui des années folles de l’après Seconde guerre mondiale. L’évolution modérée actuelle est cohérente avec la progression plus lente de la population. Elle a un effet plutôt positif sur l’environnement : une moindre consommation entraîne moins de pressions sur les ressources non renouvelables et moins de pollution. Mais, pour l’heure, elle se conjugue avec un niveau de chômage et/ou de précarité très élevés. Aucun pays développé n’a réellement retrouvé le chemin du plein emploi de qualité.

Le poids du logement

La consommation a progressé moins vite, et, en même temps, la structure des dépenses s’est profondément transformée au cours des 60 dernières années. La part du logement n’a cessé de croître depuis le début des années 1960 jusqu’en 20122 et représente désormais plus du quart du budget des ménages. Ce phénomène est lié en partie à l’amélioration des conditions de logement (mieux isolés, plus grands, etc.), à la hausse des prix de l’énergie, mais aussi à l’augmentation des loyers.

En parallèle, la part de l’alimentation a été divisée par deux de 25 à 13 % des années 1960 au milieu des années 2000. Cette évolution est décrite depuis longtemps par la sociologie : plus le revenu s’accroît, plus la part des dépenses de base diminue. On ne mange pas dix fois par jour et, même si les prix de l’alimentation augmentent (plus de plats tout préparés, de congelés, etc.), le poste décline dans le budget total parce qu’il sature. Cette baisse est stoppée depuis le milieu des années 2000, ce qui peut signifier une importance plus grande mise à la qualité de l’alimentation, avec par exemple le développement des produits bios.

Le phénomène est similaire pour les vêtements, dont la part a été divisée par quatre (12 % de la consommation totale à moins de 3 %) en soixante ans, une diminution qui continue dans les dernières années. Il faut dans ce domaine y ajouter un effet prix important : la délocalisation de la production textile a fait chuter les étiquettes. L’évolution dans le domaine de l’aménagement du logement, passé de 9 à 5 %, est de même nature.

Parmi les postes en progression, on trouve la santé (les soins non remboursés, de 2 à 4 %) et la communication (de 0,5 à 2,5 %). Ces deux ensembles correspondent à des évolutions sociales fortes : l’attention portée au corps et la circulation de l’information de plus en plus rapide liée à la diffusion des nouvelles technologies. Notons tout de même que la part des dépenses de communication diminue depuis le milieu des années 2000, du fait notamment de la concurrence que se livrent les opérateurs de téléphonie mobile.

Enfin, La progression des dépenses de transport a été nette dans les années 1960 et 1970, mais, depuis, c’est plutôt la stagnation, si on rapporte le poste à l’ensemble des dépenses (autour de 14 %).

Du fait des évolutions divergentes des prix, les budgets ne retracent pas toujours fidèlement la place des différents biens et services dans nos modes de vie. Ainsi, le poste « loisirs-culture » stagne entre 7 et 8 %, alors que l’on consomme de plus en plus de biens culturels : cette évolution résulte de la très forte baisse des prix dans ce domaine.

Et demain ? L’une des inconnues porte sur le logement, premier poste de dépense du budget des ménages. Allons-nous revenir dans les années qui viennent à la stabilité observée entre 2012 et 2029 ? Une partie des difficultés actuelles des ménages provient du sacrifice réalisé pour se loger, notamment pour les locataires dans les grandes villes. Ce phénomène n’est pas observable dans les statistiques sur les niveaux de vie et la pauvreté qui ne tiennent pas compte du coût du logement. Quel seront les effets de l’évolution du prix des énergies non-renouvelables, qu’il s’agisse des conséquences de conflits ou d’un renchérissement lié à l’impact de la consommation sur l’environnement difficilement évitable ? Au-delà de l’énergie, va-t-on assister pour des produits de base comme l’alimentation ou l’habillement à une hausse de la dépense, liée soit à la recherche de qualité, soit la mise en place de nouvelles normes environnementales répercutées sur les prix ? Dans le contexte actuel, l’incertitude est grande. Beaucoup dépendra du rôle de la collectivité dans la régulation des prix (en matière de logement par exemple) et la prise en charge par la fiscalité de certaines dépenses, du vieillissement à la facture environnementale. L’évolution des technologies dans le domaine de l’énergie – et leurs effets sur les prix – auront aussi un rôle déterminant en matière de consommation.

détail des postes de conso

Notes:

  1. Donnée provisoire.
  2. La hausse de 2020 est exceptionnelle. Elle est la conséquence de la diminution d’autres dépenses.