En 2023, l’espérance de vie à la naissance a atteint 80,1 ans pour les hommes et 85,8 ans pour les femmes, en progression assez nette par rapport à 2022. Ce rebond après la crise sanitaire ne change pas la tendance : depuis une décennie, les progrès en matière d’espérance de vie sont moins rapides. Allons-nous vers une stagnation de la durée de vie ?

Depuis 1950, les Français et Françaises ont gagné presque 17 ans d’espérance de vie à la naissance. Les conditions matérielles de vie s’améliorent, le travail est moins pénible physiquement et le nombre d’heures de travail baisse. Plus diplômés, les individus sont de plus en plus attentifs à leur santé et à leur corps en particulier (hygiène, alimentation, etc.). L’accès aux soins progresse. Dans les années plus récentes, les progrès qui ont le plus accru la durée de vie ont été réalisés en faveur des personnes les plus âgées, principalement en raison d’une amélioration des traitements des cancers et des maladies de l’appareil respiratoire.

L’écart d’espérance de vie entre les femmes et les hommes était passé de huit ans et demi à six ans entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 2010 (lire notre article). Après une remontée liée à l’impact de la crise sanitaire, l’indicateur a repris sa tendance à la baisse. Les comportements des femmes et des hommes continuent à se rapprocher même si l’égalité dans ce domaine est encore lointaine.

Et demain ?

Comment va évoluer l’espérance de vie dans les années qui viennent ? Dans son scénario dit « central » de projection démographique, l’Insee applique aux années futures les évolutions actuelles. Dans cette hypothèse, l’espérance de vie à la naissance atteindrait 90 ans pour les femmes et 87 ans pour les hommes en 2070. Depuis le milieu des années 2010 cependant, les progrès semblent moins rapides. En 2023, l’espérance de vie des hommes comme celle des femmes n’est guère plus élevée qu’en 2019. L’épidémie de Covid-19 a bousculé les séries historiques, les années qui viennent seront donc à observer avec attention.

Le ralentissement des gains d’espérance de vie à la naissance n’a rien de surprenant. Il contraste avec l’ampleur des progrès des décennies précédentes, mais la durée de vie plafonnera bien un jour, même si personne ne sait dire quand (voir notre article). Les progrès de la longévité dépendront de la capacité de la médecine à ralentir les effets du vieillissement et à réparer les organes dont les fonctions se détériorent avec l’âge. Ils résulteront aussi de l’évolution des modes de vie, notamment de la consommation de tabac et d’alcool. L’état de santé dépend pour beaucoup de la quantité d’heures travaillées (durée hebdomadaire et nombre d’années) et de la pénibilité physique au travail. L’essor d’emplois peu qualifiés, dont une partie s’exerce à l’extérieur (comme les livreurs de repas à vélo) va jouer. De nouvelles pénibilités sont-elles en train de naître ? Cette question est essentielle pour comprendre le futur de l’espérance de vie.

Un dernier paramètre est venu bouleverser les analyses des années précédentes. La crise de la Covid-19 a montré que nos sociétés, en dépit des immenses progrès sanitaires effectués ces dernières décennies, n’étaient pas à l’abri d’une catastrophe. Dans ce cas, la technologie a joué un rôle majeur : des vaccins ont été mis au point avec une rapidité jamais atteinte. Il est aussi possible qu’émergent de la crise sanitaire de nouveaux traitements, repoussant les limites de la vie. Rien n’est donc jamais définitivement acquis en matière de durée de vie, alors que nous nous sommes habitués au cours des dernières décennies à un progrès quasi continu.

L'espérance de vie : un indicateur fictif à prendre avec précaution

Comme son nom l’indique, l’« espérance » de vie est un calcul fictif réalisé à partir des conditions de mortalité du moment. C'est une « espérance » : ce qui se passerait « si » les bébés de 2023 connaissait les conditions de mortalité de 2023.
On applique les taux de mortalité constatés à chaque âge pour construire l'« espoir » d'atteindre un certain âge. Un bébé né en 2023 ne connaîtra pas tout au long de sa vie les conditions de mortalité de 2023. À moins d'une catastrophe sanitaire longue ou d'une guerre, il vivra très probablement plus longtemps que l’espérance de vie ne l’indique aujourd'hui. Ainsi, une part croissante de ces bébés dépassera les 100 ans et atteindra l'année 2120 ! Selon l'Insee, en 2070 on devrait compter 270 000 centenaires et les enfants nés en 2022 devraient vivre entre 93 ans pour les filles et 90 ans pour les garçons.

Photo : Sabine Van Erp/Pixabay