La population française de métropole est passée de 40 à 64 millions de personnes entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et le milieu des années 2010, soit une hausse de 60 %. Depuis 2015, sa progression est bien plus lente. Le signe annonciateur d’une stabilisation ?

Au cours de la seconde partie du XXe siècle, le dynamisme démographique de notre pays a été assuré par trois principaux moteurs. D’abord, la fécondité a moins baissé en France que chez nos voisins dans les années 1980. La fécondité conjoncturelle (nombre moyen d’enfants par femmes, toutes générations confondues une année donnée) a fléchi à 1,65 enfant par femme en 1993 et a remonté ensuite pour atteindre deux enfants. Elle est quasiment stable à ce niveau depuis 2006, même si elle baisse ces dernières années. Ensuite, l’espérance de vie à la naissance a progressé au rythme d’environ un trimestre par an selon les années : la France est l’un des pays où l’on vit le plus longtemps au monde. Enfin, le solde migratoire s’est réduit à partir des années 1970, mais il est resté compris entre 50 000 et 100 000 personnes supplémentaires.

Depuis 2015, les choses semblent changer. La hausse globale de la population, qui se maintenait autour de 300 000 habitants supplémentaires par an, a chuté à moins de 100 000. Sur la courbe d’évolution de la population au fil du siècle, l’effet est à peine visible, mais si l’on zoome sur ces dix dernières années (voir graphique), on remarque nettement l’inflexion. Entre 2015 et 2019, la progression de la population française n’est plus que de 500 000, soit trois fois moins qu’entre 2001 et 2005.

Que se passe-t-il ?

Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Tout d’abord, l’espérance de vie progresse moins vite, elle semble même plafonner. Ce phénomène peut s’expliquer par différents effets, allant de progrès médicaux moindres sur la période à l’arrêt de la baisse du temps de travail ou au fait que les femmes adoptent plus souvent des comportements à risque (tabac et alcool notamment). Ensuite, la fécondité, nettement supérieure en France à la moyenne européenne, a diminué dans les années récentes sans que l’on sache encore si cette baisse est liée à un effet de calendrier (on fait des enfants plus tard) ou si elle est plus durable. Enfin, la France restreint au maximum l’immigration et un nombre croissant de personnes vivant en France partent ou retournent vivre à l’étranger : le solde migratoire demeure à un niveau faible. Au bout du compte, les trois moteurs de progression de la population ont réduit leur vitesse. On commence à le percevoir.

Quel est le problème ? La France a longtemps fait un complexe démographique du fait du dynamisme de la population allemande et britannique au XIXe siècle. On continue à entretenir la peur du déclin faute d’habitants1. Une population en hausse ou en baisse n’est ni bien ni mal. Il faut se poser la question de savoir si les couples peuvent mettre au monde la descendance qu’ils souhaitent (pour la fécondité), si l’on dispose d’un système de santé de qualité (espérance de vie) et si notre pays a une politique d’accueil des migrants conforme à ses valeurs et au droit international (immigration).

En revanche, la progression de la population a un grand nombre de conséquences. Tout d’abord, elle consomme de l’espace, des ressources, de l’énergie, etc. Concrètement, les 2,4 millions d’habitants supplémentaires que notre pays a enregistré depuis dix ans, représentent un million de logements. La France ne manque pas de place, mais la densité de l’habitat a un impact élevé. L’habitat pavillonnaire périurbain consomme beaucoup plus d’espace et de ressources (chauffage, déplacements, etc.) que les immeubles de centre-ville. L’augmentation de la population impose aussi de nouvelles infrastructures publiques (écoles, hôpitaux, etc.) dont il faut financer les investissements sur le long terme. L’effet en matière d’emploi à long terme est difficile à déterminer : plus d’actifs, c’est aussi plus de consommation, d’activité et donc d’emplois. Reste la structure par âge : le vieillissement est souvent dramatisé, mais il pose un réel problème en matière de financement des retraites.

Même s’il est trop tôt pour se prononcer, il est intéressant de noter qu’à long terme les comportements démographiques actuels, s’ils se prolongent, tendent à une population stable. La fécondité assure le remplacement à l’identique avec une dose d’immigration qui reste modeste. Rien n’indique que la situation actuelle durera à l’infini, mais l’entrée dans une sorte d’ère de la stabilisation de la population n’est pas à écarter, ce qui serait plutôt positif en termes de ressources naturelles, à condition que l’on aille aussi vers des comportements de consommation plus vertueux dans ce domaine.

 

Notes:

  1. Etrangement cette peur du déclin accompagne souvent le refus d’ouvrir davantage les frontières à l’immigration. Il s’agit en fait du déclin de la population « d’origine » elle même en réalité déjà composée d’un fort apport extérieur.