22 % des immigrés originaires d’Afrique étaient au chômage en 2012, ainsi que 17 % de l’ensemble des immigrés et 14 % de leurs descendants, contre 8,6 % des actifs non issus de l’immigration, selon le ministère du Travail. Cette situation résulte-t-elle de discriminations ou de leurs caractéristiques comme l’âge ou le diplôme ?

Pas moins de 44,8 % des immigrés et 29,8 % de leurs descendants n’ont pas de diplôme, contre 24,3 % des personnes non issues de l’immigration. Les descendants d’immigrés sont en outre beaucoup plus jeunes que la moyenne : 40 % ont entre 15 et 29 ans, contre 27,5 % des non-immigrés. Or le diplôme et l’âge sont des facteurs massifs de chômage en France.

Pour comprendre les causes du phénomène, le ministère a isolé une partie des facteurs. Il a calculé, pour chaque catégorie de population, le rapport entre la probabilité d’être au chômage et celle d’être en emploi1 et a comparé les rapports entre eux.

Deux études ont été menées. La première porte sur la population totale des 15-64 ans. Toutes caractéristiques confondues, les immigrés d’origine africaine ont une probabilité trois fois plus grande d’être au chômage rapportée à celle d’avoir un emploi2 que pour les non-immigrés. Pour les descendants de deux parents d’origine africaine elle est même 3,8 fois plus importante.

Mais cette probabilité dépend de l’âge, du diplôme, de la catégorie socioprofessionnelle, etc. Si l’on isole tous ces facteurs, dans les deux cas (immigrés d’origine africaine comme descendants), le rapport se réduit et passe de 1 à 2. Le chiffre reste conséquent. Il est presque équivalent au même ratio entre les ouvriers et les cadres (1 à 2,5), ou entre les jeunes et les 40-45 ans (1 à 2,6).

Une seconde étude porte sur les 18-29 ans, qui rencontrent des difficultés particulières d’insertion sur le marché de l’emploi (données 2008). Les jeunes immigrés ont 1,2 fois plus de probabilité d’être au chômage que les jeunes non-immigrés si l’on raisonne toutes choses égales par ailleurs. Il peut s’agir de discriminations, mais aussi des facteurs qui ne sont pas pris en compte dans l’étude, comme le réseau social, le type de diplôme obtenu, et en particulier de la nationalité. La France interdit en effet la majorité des postes de la fonction publique aux étrangers hors Union européenne et les trois quarts des jeunes immigrés sont dans ce cas : un ensemble de postes leurs sont fermés, d’où mécaniquement un niveau de chômage supérieur. Les jeunes immigrés sont 11 % à être salariés de la fonction publique, contre 17 % pour les jeunes non-immigrés. Le seul effet nationalité est considérable. Un jeune de nationalité étrangère a 1,35 fois plus de risques d’être au chômage plutôt qu’en emploi qu’un jeune de nationalité française.

Les immigrés sont victimes de discriminations de la part de certains employeurs qui leur ferment des portes. Quand on les interroge, 17,6 % des jeunes immigrés et 20 % des descendants d’immigrés disent3 avoir été victimes de discriminations, contre 12,4 % des jeunes non-immigrés. Ce facteur est pourtant loin d’être central : ces populations ont d’abord des difficultés liées à leur milieu social. Pour un jeune, toutes choses égales par ailleurs, le seul fait d’avoir un père ouvrier (toujours toutes choses égales par ailleurs) accroît autant la probabilité d’être au chômage que d’être immigré. Le seul fait d’habiter en Zus aboutit à une probabilité 1,56 fois plus élevée. Enfin, l’étude du ministère du Travail souligne l’impact sans comparaison du diplôme : les non diplômés ont une probabilité six fois supérieure d’être au chômage que les diplômés de niveau bac+3 et plus, toutes choses égales par ailleurs.

Données 2008

 

Pour en savoir plus : « Emploi et chômage des descendants d’immigrés en 2012« , Dares analyses n°23, mars 2014. « Jeunes immigrés et jeunes descendants d’immigrés », Dares analyses n°74, septembre 2014.

 

Notes:

  1. En langage statistique, cela s’appelle le « rapport des chances » ce qui pour le chômage est assez problématique, on parle aussi de « risque » mais cela pose problème car il ne s’agit pas d’une simple probabilité d’être au chômage.
  2. On ne peut pas dire que « la probabilité des immigrés d’être au chômage est près de quatre fois supérieure ».
  3. Il s’agit bien d’un sentiment et non d’un niveau réel de discrimination.