Le taux de pauvreté est passé de 14,4 à 14 % entre 2011 et 2012 et le nombre de pauvres de 8,8 à 8,6 millions, au seuil de 60 % du niveau de vie médian. Les variations annuelles de la pauvreté n'ont pas grande valeur statistique, mais tout de même : 200 000 pauvres en moins en pleine crise, voilà qui étonne. Les moins favorisés ne vivent pas mieux, mais le seuil de pauvreté a baissé1. Comme cela est-il possible ?

En France comme en Europe, le seuil de pauvreté est déterminé de façon relative. Il est fixé en proportion du niveau de vie médian (autant gagne moins, autant davantage). Le seuil le plus utilisé est celui de 60 % du niveau de vie médian. Quand le niveau de vie augmente, le seuil, calculé en pourcentage, s’élève : on reste pauvre avec un revenu supérieur. Dans les années 1970, le seuil de pauvreté était un peu inférieur à 500 euros si l’on tient compte de l’inflation (en euros de 2012). Aujourd’hui, il approche les 1 000 euros. Les pauvres d'aujourd'hui peuvent donc être jusque deux fois plus riches que ceux d'hier. Mais quand le niveau de vie diminue, le seuil fait la même chose. C’est ce qui s'est passé en 2012 : le niveau de vie médian mensuel a baissé de 1 672 euros en 2011 à 1 655 euros en 2012. Le seuil de pauvreté à 60 % a perdu 10 euros mensuels, de 1 003 à 993 euros.

Concrètement, ceux qui touchaient 1 000 euros hier étaient considérés comme pauvres et ne le sont plus aujourd’hui alors que leur situation n’a pas changé. En contrepartie, le nombre de ceux dont les revenus sont passés sous le seuil de pauvreté a été inférieur. Au bout du compte, une réduction de 10 euros du seuil mensuel a provoqué une baisse du nombre de pauvres de 200 000.

Une diminution encore plus forte du niveau de vie médian pourrait avoir des effets très favorables sur la pauvreté… C’est la conséquence d’une définition relative de la pauvreté, défendue en France sans que l’on en mesure toujours ses effets2. Si l’on avait fixé comme critères l'accès à un ensemble de biens et de services – la définition dite « absolue » – alors le nombre et le taux de pauvreté auraient très certainement augmenté compte tenu de la dégradation de la situation de l'emploi.

Il n’existe pas de bonne ou de mauvaise définition. Un seuil de pauvreté absolu, s'il n'évolue pas assez dans le temps, peut aussi avoir pour effet de minimiser la pauvreté. Mais s'il évolue en fonction des niveaux de vie, il devient l'équivalent d'un seuil relatif. Encore faudrait-il avoir un débat sur le sujet. Définir, par exemple, l’ensemble des biens et services nécessaires pour ne plus être considéré comme pauvre – le seuil absolu – ne serait pas un mauvais exercice, en complément du seuil relatif.

Pour en savoir plus : "Les niveaux de vie en 2012", Insee première n°1513, septembre 2013.

Notes:

  1. En fait, cette situation s'est déjà produite en 2008.
  2. Voir aussi "8 millions de pauvres, un chiffre exagéré", Louis Maurin, Observatoire des inégalités, octobre 2013.