En 14 ans, de 2002 à 2016, le revenu minimum que touchent ceux qui n’ont droit à aucune autre allocation (RMI puis RSA) est passé de 406 à 535 euros par mois pour une personne seule1. Ce minimum a donc augmenté de 130 euros, soit 32 %. Une augmentation sensible, mais largement trompeuse.

Entre 2002 et 2016, les prix aussi ont augmenté : 535 euros de 2016 ne permettent pas d’acheter la même chose qu’en 2002. D’après l’Insee, l’inflation globale aurait été d’environ 20 %. Cela veut dire que sur les 130 euros de hausse, 85 euros environ ont été grignotés par l’inflation. Le titulaire d’un minimum social vit réellement avec 44 € de plus par mois, soit six paquets de cigarettes, 1,5 baguette de pain par jour ou deux coupes de cheveux. En 14 ans.

En fait, il a « gagné » encore moins que cela, pour une raison dont personne ne parle. L’« indice des prix » de l’Insee, c’est celui de monsieur ou madame Toutlemonde, du Français ou de la Française moyen(ne). L’allocataire n’est justement pas Toulemonde. Sa consommation n’est pas la même : il dépense plus pour les biens de base, fume plus souvent, a des dépenses plus importantes de loyer, etc. Pour lui, les prix n’ont pas augmenté de 20 %.

Explications. Il est difficile de connaître la différence avec précision, mais un outil de l’Insee, le « simulateur d’indice des prix à la consommation » personnalisé, peut nous en dire plus. Nous avons augmenté, en restant raisonnables, la part dans les dépenses de l’alimentation, du loyer et du tabac. Surprise : la hausse des prix pour les titulaires de minimas n’est plus de 20 % mais de 28 %. Ces 28 % représentent 112 euros, ce qui signifie que le niveau de vie réel de ce minimum social aurait augmenté en fait d’environ 18 euros (130112) par mois. Peut être 15, peut être 20. Dans tous les cas cela veut dire que le poEvolution du RSA et des prixuvoir d’achat des minimas sociaux n’a quasiment pas varié en 14 ans, à peine plus d’un euro par an.

En attendant, le Smic horaire a progressé de 40 %, ce qui en net (pour l’équivalent de 35 heures hebdomadaires de travail) représente plus de 300 euros d’augmentation pour la même période hors inflation et 150 euros si l’on déduit la hausse moyenne des prix 2. Le salaire net moyen pour des temps complets est passé selon l’Insee de 1 750 à 1 850  euros mensuels (inflation déduite) entre 2002 et 2013 soit un gain d’une centaine d’euros, auxquels il faut ajouter la progression depuis 2013.

Non seulement le RSA reste à un niveau très faible (à peine plus de la moitié du seuil de pauvreté à 60 %) mais il ne progresse guère plus que les prix pour les titulaires de minima. Encore faut-il distinguer deux périodes. De 2002 à 2012, RMI puis RSA ont stagné si l’on tient compte des prix. Il ne progresse vraiment que depuis 2013, même si cela ne représente que quelques euros de plus par mois. Par rapport au salaire minimum ou moyen, le décalage est très grand. Tous les minima sociaux n’ont pas évolué de la sorte : ainsi, le minimum vieillesse est passé de 567 à 800 euros entre 2002 et 2016, soit environ 230 euros de plus, ce qui après inflation représente environ 120 euros de mieux de pouvoir d’achat mensuel.

Ces évolutions ne n’ont rien d’anodines. Heureusement, la plupart des personnes qui touchaient le RSA en 2002 ont quitté le dispositif en 2016, et une partie a retrouvé du travail : on compare donc des populations différentes. Ces chiffres traduisent néanmoins la faible prise en considération d’une partie des pauvres dans la répartition de la richesse et les politiques publiques. Rappelons que 1,9 million de foyers touchent le RSA socle, ce qui signifie qu’environ trois millions de personnes (ayant droit compris) en vivent.

Notes:

  1. Et encore, l’Etat réduit cette aide de 63 euros pour tous ceux qui sont hébergés ou bénéficient d’une allocation logement.
  2. Ce qui, là non plus, n’est pas conforme à la hausse des prix qui s’applique à la consommation des personnes qui perçoivent le Smic.