La ségrégation culturelle du territoire, fondée sur le diplôme, a augmenté entre 1999 et 2008. C’est dans les communes où la part des diplômés était la plus élevée que celle-ci a le plus augmenté. Au niveau des quartiers, la ségrégation s’accroît surtout dans les territoires les plus défavorisés.

Quelle que soit l’échelle que l’on utilise, quelle que soit la taille de la ville observée, entre 1999 et 2008, la part de bac+2 et plus s'accroît en effet davantage dans les villes qui étaient déjà les mieux loties en 1999. A l’inverse, les villes qui comptaient la proportion la plus forte de peu diplômés (inférieur au brevet d’études professionnelles) sont celles où cette part a le moins diminué.

Au niveau des quartiers, la France offre un visage légèrement différent. Tout en haut de la hiérarchie de ceux où l’on trouve le plus de diplômés, on a principalement des quartiers de Paris et de sa banlieue Ouest. Dans certains, qui se situaient déjà au sommet (plus de 66 % de diplômés), la part des diplômés augmente assez faiblement ou stagne. Globalement, la croissance reste la plus élevée dans les quartiers qui étaient déjà les mieux dotés, ce qui n’empêche pas de fortes hausses dans des quartiers relativement moins diplômés.

La concentration des diplômés est d’abord liée à l’évolution des prix des loyers, qui repousse souvent hors des centres-villes, notamment dans les cités périphériques, les couches les moins aisées qui n’ont pas de titre scolaire. Mais tous les diplômés n’ont pas les moyens de se loger dans les quartiers les plus aisés, en particulier les plus jeunes. Ils investissent une partie des anciens quartiers de centre-ville, où le prix au m2 est moins cher. Cette concentration reflète aussi l’importance des stratégies éducatives de ces catégories diplômées, qui correspondent à la volonté d’éviter à leurs enfants la fréquentation de jeunes des catégories populaires et favoriser ainsi leur réussite scolaire.

Les quartiers les moins favorisés (souvent ceux de la politique de la ville) se vident d’une partie des catégories moyennes attirées par l’habitat périurbain. Ce mécanisme de ségrégation alimente le ressentiment des catégories sociales rejetées au loin des centres-villes : dans les banlieues comme dans le périurbain. Au bout du compte, une concentration choisie des diplômés entre eux, s’oppose à une concentration subie des plus défavorisés, le plus souvent dans le logement social.

Il ne faut pas dramatiser la situation à l’excès. Une grande majorité de quartiers continue à héberger des populations de milieux sociaux différents. La présence de jeunes diplômés moins favorisés du point de vue des revenus dans certains quartiers en renouvellement peut aussi contribuer à la mixité. Mais le mouvement actuel est puissant, et renverser la situation appelle la mise en œuvre de politiques de très long terme. Au niveau de l’ensemble de la France, pour que chaque catégorie soit représentée sur le territoire national dans chaque quartier en proportion de sa part dans la population, il faudrait que 30 % des Bac+2 et plus déménagent et que ce soit le cas de 23 % de ceux qui ont au maximum le certificat d’études…

 

Pour en savoir plus : cette note est extraite de "La ségrégation culturelle du territoire s'accentue", Compas études n°4, Compas, novembre 2012.