L’habitat pavillonnaire amorce-t-il une phase de déclin après des décennies de progression ? La part de logements individuels au sein de l’ensemble des résidences principales diminue depuis 2015 et s’élève à 55,9 % en 2022. Le nombre de nouveaux logements individuels construits, qui dépassait 250 000 par an au milieu des années 2000, est tombé autour de 150 000 depuis le milieu des années 2010.

Il y a plusieurs explications à cela. Le coût du foncier ne cesse de progresser : entre 2005 et 2020, le prix moyen du m2 de terrain à bâtir a été multiplié par deux, de 46 à 91 euros, selon les données du ministère de la Transition écologique. L’évolution de la réglementation thermique en 2012 notamment a entraîné une augmentation des prix de la construction, qui ont au total progressé de 44 % entre 2011 et 2020. En même temps, la stagnation des revenus des classes populaires et moyennes a rendu plus difficile l’accès à la propriété d’un grand nombre de ménages. Même si les projets de développement routiers et autoroutiers continuent à voir le jour, leur progression est beaucoup moins rapide depuis une dizaine d’années : le nombre de kilomètres d’autoroutes stagne depuis le milieu des années 2010, selon le ministère des Transports. L’élévation récente des taux d’intérêt rend l’accès à la propriété plus difficile.

Assiste-t-on à un « désenchantement pavillonnaire »1 ? Il est bien trop tôt pour le dire. Déjà, entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 1990, la part de logements individuels s’était déjà stabilisée et avait repris son essor à partir du début des années 2000. Il n’est pas dit que l’on n’assiste pas, demain, à un retour du pavillon. La maison individuelle assortie d’un jardin, méprisée par une partie des catégories favorisées, reste le lieu de vie idéal de la plupart des familles2. Dans l’idéal, 80 % des Français souhaiteraient habiter une maison, selon un sondage Kantar-Public3.

À l’avenir, plusieurs facteurs devraient limiter l’expansion pavillonnaire. L’élévation des taux d’intérêt rend plus difficile l’accès à la propriété. L’évolution des prix de l’énergie et des carburants renchérit fortement le coût de ce mode de vie. Pour une surface de 70 à 100 m², une maison individuelle consomme environ 40 % de plus d’énergie au m2 qu’un logement d’un immeuble collectif, et ceci hors transports. Même s’il est difficile de prévoir les évolutions des cours du pétrole et du gaz, la tendance à long terme à la hausse devrait se prolonger, ce qui va conduire à des arbitrages économiques plus favorables à la ville. Il faudra aussi prendre en compte l’effet de l’étalement urbain sur l’environnement : la surface des sols artificialisés a augmenté de 70 % entre 1982 et 20184 ce qui nuit à la biodiversité et accélère le réchauffement climatique. La loi Climat et résilience d’août 2021 fixe d’ailleurs comme objectif zéro artificialisation des sols en 2050. Enfin, les projets de nouvelles infrastructures routières sont de plus en plus contestés.

Peut-on arriver à concilier les contraintes économiques et environnementales et l’aspiration de la population ? La densification de l’habitat est l’un des enjeux majeurs des sociétés modernes. Comme le montre une étude de la direction régionale de l’environnement de la région Centre-Val de Loire menée depuis une dizaine d’années et mise à jour en 20235, l’alternative pourrait être le développement de « l’habitat dense individuel » composé de logements individuels accolés avec un jardin sur des parcelles de surface totale pouvant être inférieure, pour les plus petites, à la surface de la maison individuelle pure.

Seuls 6 % des Français souhaitent vivre dans un logement sans jardin, selon Kantar Public, mais cela ne signifie pas qu’ils aient besoin d’un « parc » pour autant : pour 37 % il suffirait de 250 m² et pour 71 %, de 500 m². Ce type d’habitat, cœur historique de l’urbanisation (le « bourg » devenu ville), pourrait répondre à la fois à l’individualisation du logement et au défi du respect de l’environnement. D’autant plus qu’il peut adopter des formes très diversifiées, notamment en matière de surface. Reste que selon les données du ministère du Logement, la construction de 1,3 million de logements a été autorisée entre 2019 et 2021. Parmi eux, on compte 32 % de maisons, 48 % d’appartements et seulement 11 % de logements individuels groupés, qui correspondent le mieux à ce qui devrait être favorisé. Il reste donc du chemin à faire.

Notes:

  1. Voir « Le désenchantement pavillonnaire », Hervé Marchal et Jean-Marc Stébé,  in SociologieS, Où en est le pavillonnaire ?, février 2017.
  2. Voir « Les Français et l’habitat individuel, préférences révélées et déclarées », Julien Damon, in SociologieS, février 2017.
  3. Baromètre – Les Français et les villes moyennes, Kantar Public pour La Fabrique de la Cité, juillet 2022.
  4. « L’occupation du sol entre 1982 et 2018 », Les dossiers n°3, Agreste, ministère de l’Agriculture, avril 2021.
  5. Densifier avec l’habitat dense individuel, Eric Peigné, Direction départementale des territoires d’Indre et Loire, avril 2023