Après les périodes de confinement, l’amélioration de la situation de l’emploi amorcée en 2015 se poursuit. Depuis le début 2015, le taux de chômage a baissé de 10,3 % à 7,4 %, selon l’Insee. Le mouvement est d’ampleur : il a retrouvé son niveau du milieu des années 1980. Nous assistons à la quatrième phase de reprise pour l’économie française depuis la crise pétrolière du milieu des années 1970.

La principale hausse du chômage a eu lieu entre le milieu des années 1970 et la fin des années 1980. Le nombre de chômeurs passe alors de 700 000 à 2,3 millions, le taux de chômage est multiplié par trois de 3 à 9 % (selon la définition du Bureau international du travail). Depuis 35 ans, le chômage fluctue autour de ce niveau avec des pics supérieurs à 10 % et un point bas début 2008 à 7,2 %. Les phases de diminution peuvent être importantes, notamment comme entre 1997 et 2001 (de 10,7 % à 7,7 %). Malheureusement, à chaque fois, le chômage remonte au bout de quelques années.

La baisse enregistrée depuis 2015 est significative. Selon l’Insee, on compte 900 000 chômeurs de moins depuis cette période. Les créations d’emplois reprennent (lire notre article). La prudence s’impose pourtant. Cette embellie ne se traduit pas de la même façon dans les données de Pôle emploi. Selon l’organisme, le nombre de demandeurs d’emploi (catégories A, B et C)1 a augmenté jusqu’au troisième trimestre de 2018 et n’a baissé depuis que de 300 000. On compte encore 5,7 millions de demandeurs d’emploi dans ses trois catégories. Si l’on ne prend en compte que la catégorie la plus restrictive (A, ceux qui n’ont aucune activité), elle a atteint son maximum début 2015 et depuis le nombre de chômeurs a diminué de 500 000. Il reste encore 3,3 millions de chômeurs inscrits à Pôle emploi, beaucoup plus qu’en 2008 quand ce chiffre était tombé à 2,1 millions.

Comment expliquer une telle divergence entre l’Insee et Pôle emploi ? L’Insee utilise la définition du Bureau international du travail selon laquelle il suffit d’avoir travaillé une heure dans la semaine pour ne pas être comptabilisé comme chômeur : le développement de formes très précaires d’emploi fait donc rapidement baisser leur nombre. De son côté, Pôle emploi comptabilise les personnes inscrites officiellement dans ses fichiers, et ses catégories B et C intègrent des chômeurs qui peuvent avoir travaillé quelques heures au cours du mois précédent. Ses données sont sensibles à des évolutions plus profondes du marché du travail, de long terme (ainsi qu’au régime d’indemnisation).

Les évolutions de l’emploi vont dans le bon sens depuis 2015. La dépense publique a permis d’éviter une catastrophe majeure du fait des confinements de 2020 et 2021. Il est en revanche très prématuré d’en tirer des conclusions sur l’avenir du chômage. Depuis quarante années, celui-ci connaît des cycles, mais ne revient jamais au-dessous de 5 %, que l’on pourrait considérer comme un plancher, car il existe toujours un volant de chômeurs.

Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? La stabilisation de l’emploi industriel et les créations dans le secteur des services vont dans le bon sens. Reste qu’aucun pays riche n’a réellement réussi à maintenir de croissance régulière et durable. Ceux qui ont fait baisser le taux de chômage l’ont fait en dégradant la norme sociale de l’emploi, avec des formes très précaires d’emploi (comme en Allemagne), en réduisant l’indemnisation du chômage (Royaume-Uni) ou en élargissant la notion de handicap (Pays-Bas). Les chômeurs disparaissent des statistiques mais sont transformés en travailleurs flexibles et mal rémunérés. On est bien au plein emploi, mais l’emploi n’a plus la même qualité.

Notes:

  1. Catégories comprenant les chômeurs ayant une activité réduite.