peurperdreemploiUn quart des actifs occupés ont peur de perdre leur emploi dans l’année. La proportion était de 18 % en 2005, indique le ministère du Travail1. Une évolution logique compte tenu de la très forte progression du chômage entre 2005 et 2013. La peur de perdre son emploi, déjà très élevée en 2005, n’a quasiment pas bougé parmi les contrats précaires, qu’il s’agisse du secteur public (de 40 % à 41 %), comme du secteur privé (47 % à 45 %). Pour nombre d’entre eux, il ne s’agit pas de « crainte », puisque leur contrat est d’une durée inférieure à l’année.

La peur de perdre son emploi a fortement augmenté parmi les autres catégories d’actifs. Elle a même doublé chez les non-salariés, de 16 % à 30 %. Une part croissante des artisans et commerçants craignent pour l’avenir de leur activité. Cette crainte a aussi augmenté au sein des emplois dits « stables », en contrat à durée indéterminée dans le secteur privé (de 16 % à 24 %) et même chez les fonctionnaires (de 4 % à 10 %). Ces enquêtes mesurent l’opinion des personnes qui ont un emploi, cela ne signifie pas nécessairement que leurs postes soient réellement menacés. Chez les fonctionnaires, « perdre son emploi » peut signifier perdre le poste que l’on occupe mais très rarement se retrouver sans emploi, situation bien différente. Il n’en demeure pas moins qu’une fraction large des salariés travaille en ayant le sentiment que son avenir professionnel est incertain, que cela soit justifié ou non. « Cette insécurité a un effet néfaste sur la santé et peut entraîner une dégradation de l’état de santé mentale du fait de l’anxiété associée. », analyse le ministère. Sans aller jusque-là, cette nouvelle incertitude ne peut que nourrir des tensions et des comportements de protection.

formesinsécuriemploi

A partir de cette insécurité ressentie, le ministère du travail distingue deux types d’emplois. Deux tiers sont dit « sécurisés » : les personnes occupent un CDI ou un emploi de fonctionnaire et ne disent pas avoir peur de perdre leur emploi. Un tiers occupe un emploi « insécurisé » selon l’expression du ministère du Travail. Ce type d’emploi comprend à la fois les temps partiel subis (3,4 %), les contrats précaires (13,2 %), et les CDI dont les titulaires indiquent craindre de perdre leur emploi dans l’année (18,0 %).

L’étude du ministère, à partir du ressenti des salariés, met en lumière plusieurs phénomènes. Premièrement, l’emploi « insécure » va bien au-delà de la seule part d’emploi précaires, de l’ordre d’un tiers du total. Deuxièmement, la part de personnes en contrat à durée indéterminée qui craint pour son avenir est nettement supérieure à la part d’emplois précaires (18 % contre 13,2 %). Troisièmement, l’insécurité de l’emploi progresse davantage chez ceux qui ont un CDI que chez les précaires. C’est la norme d’emploi stable elle-même qui est globalement fragilisée si on écoute les salariés.

Ces données portent sur le ressenti des salariés. Même si le chômage baisse légèrement depuis 2016, il est peu probable que les choses aient changé depuis. Dans les sociétés modernes, la baisse de l’insécurité sous ses différentes formes (en matière de santé, de vie quotidienne, d’emploi, etc.) constitue une composante majeure du progrès. L’augmentation de l’insécurité au travail constitue une régression forte : une part minoritaire mais croissante de la population voit son horizon de vie professionnelle se réduire, ce qui a des conséquences concrètes dans la vie dans son ensemble (pour louer ou acheter un logement, organiser ses activités quotidiennes, ses loisirs, etc.) et psychologiques. Cette forme de retour de l’insécurité sociale constitue une source de tensions fortes entre ceux qui sont concernés et ceux qui en sont protégés.

 

 

Notes:

  1. « Insécurité de l’emploi et exercice des droits dans le travail », Dares Analyses n°92, décembre 2015.