3,7 millions de personnes occupent un emploi précaire en France1, soit 13,7 % de l’emploi total, selon les données 2018 de l’Insee, principalement des contrats à durée déterminée, du privé comme du public, mais aussi des intérimaires, des contrats aidés et des apprentis2. Qui sont les travailleurs précaires ?

L’âge constitue un critère déterminant. Les 15-29 ans forment à eux seuls la moitié des précaires. Parmi les salariés, 38 % de cette tranche d’âge est employée en contrat précaire. La précarité est devenue la règle en matière d’insertion des jeunes peu ou non diplômés. Seuls 11 % des 30 à 49 ans et 7 % des quinquagénaires sont concernés. Hormis les plus diplômés, pour la grande majorité des jeunes, l’insertion durable dans l’emploi ne se fait qu’après plusieurs années de stages ou de contrats courts. Il faut noter que ces dernières années, la précarité s’est accrue chez les plus âgés : en 2014, le taux de précarité était seulement de 8 % chez les 30 à 49 ans.

Le critère central reste le diplôme. Jeunes ou moins jeunes, la précarité marque avant tout les milieux populaires. Ouvriers et employés représentent 80 % des précaires, les cadres supérieurs seulement 10 %. On ne peut pas comprendre l’impact de la précarité sans entrer dans le détail des catégories sociales. Pour les cadres supérieurs du privé, le taux de précarité est presque nul, de l’ordre de 3 %. Pour l’ensemble des cadres, il atteint 6,6 %. Il est supérieur pour les cadres du public, notamment du fait des nombreux contractuels de la fonction publique territoriale. Les classes moyennes (professions intermédiaires) comptent 11,5 % de précaires, les employés et ouvriers 17,6 % et 22,4 %. Ces moyennes, comme pour le chômage, cachent le sort des ouvriers non qualifiés et des ouvriers agricoles, dont plus du tiers disposent de contrats précaires.

Le sexe n’est plus un clivage central en matière de précarité. Un peu plus de la moitié des précaires sont des femmes. Parmi les salariés, 16 % des femmes sont en emploi précaire, contre 15 % des hommes. Les femmes sont plus souvent en CDD, les hommes en intérim, davantage utilisé dans le bâtiment et l’industrie où ils sont sur-représentés. Encore faudrait-il pouvoir distinguer différents types de précarité en fonction de la durée des contrats, du niveau de rémunération et prendre en compte le temps de travail. Les femmes occupent beaucoup plus souvent des emplois en temps partiel subi : 1,2 million d’entre elles sont en temps partiel (à durée indéterminée ou non) et souhaiteraient travailler davantage, ce qui représente plus de 70 % des personnes en sous-emploi. Une partie de la précarité de l’emploi féminin est masquée par les statistiques.

Le chiffre de 13,7 % de précaires minore l’insécurité du travail. Les travailleurs indépendants peu qualifiés (dans le secteur du bâtiment par exemple), les auto-entrepreneurs contraints d’adopter ce statut, ainsi que des salariés de petites entreprises économiquement fragiles ne figurent pas dans ce tableau. En outre, le contrat à durée indéterminée, notamment dans les petites entreprises du secteur privé, est lui-même de plus en plus souvent fragile.

La précarité reste le lot d’une minorité de salariés peu qualifiés, jeunes et de milieux populaires. La  « précarisation du travail » n’est pas généralisée : un marché du travail à deux vitesses s’est développé avec une grande majorité de stables d’un côté, et une minorité d’instables de l’autre. Le premiers mesurent mal les conséquences de la « flexibilité du travail » dans la vie des seconds. Qu’il s’agisse de logement, d’activités de loisirs ou de vacances, de capacité à former un couple et avoir des enfants par exemple, la vie des instables est très éloignée de celle des stables. Cette insécurité nourrit de fortes tensions sociales.

Notes:

  1. Pour des éléments sur l’évolution de la précarité, lire notre article.
  2. Intégrer l’apprentissage parmi les formes d’emploi précaire est sujet à débat dans la mesure où il s’accompagne d’une formation, mais il s’agit bien d’un contrat de travail à durée déterminée.