La délinquance des mineurs ne cesse de diminuer en France depuis plus de dix ans en France, selon les données du ministère de l’Intérieur sur les auteurs d’infractions. Tous types d’actes confondus, du vol à la tire à l’homicide, le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie est passé de 100 000 par an au début des années 1990 à 200 000 à la fin des années 2000 1. Mais au cours des dix dernières années, le chiffre a fortement diminué pour revenir à 121 000 en 2023. Quant à la part des délits commis par les mineurs, elle n’a quasiment jamais cessé de diminuer, de 22 % au plus haut en 1998 à 12 % en 2023.

On ne dispose pas du même recul historique pour mesurer ce qui relève en particulier des actes de violence physique. Le ministère de l’Intérieur indique que le nombre de mineurs mis en cause pour coups et blessures est stable depuis 2016 : il est passé de 21 800 cette année-là à 20 600 en 2023. Au cours de cette période, la part des mineurs dans l’ensemble des actes a nettement baissé, de 13 % à 8 %. Parmi les mineurs, on ne note pas de rajeunissement comme la presse le relève souvent : le nombre de mineurs de moins de 13 ans mis en cause s’est fortement réduit. Au bout du compte, aucune statistique ne permet de parler de croissance de la violence des mineurs, contrairement à ce qui a été relevé par de très nombreux médias et élus.

Comme toujours, il convient d’utiliser les données sur les infractions relevées par les forces de l’ordre avec prudence, car elles ne mesurent qu’une partie des faits commis, pour laquelle on connaît les auteurs. Elles ne prennent pas en compte des actes mineurs d’incivilités qui peuvent avoir un impact important. Cette évolution n’empêche d’ailleurs pas de s’inquiéter des violences commises par les jeunes, en en prennant la juste mesure. « Les cadres politiques actuels auront-ils le courage de leurs prédécesseurs de 1945, pour qui l’enfance délinquante était un défi qu’il fallait relever en donnant plus de moyens à l’éducatif ? » s’interroge ainsi le sociologue Christian Mahouanna 2, « Ou se contenteront-ils de continuer à tenter – inutilement – de se construire une légitimité fondée sur la peur et sur leur volonté d’y apporter une réponse par une sévérité accrue. ».

Ces chiffres montrent comment on peut utiliser les faits divers pour orienter le débat et les décisions publiques. Chaque jour, les forces de l’ordre enregistrent environ 700 affaires de coups et blessures et trois homicides. Dans une société de 66 millions d’habitants, il est facile de tenir une chronique quotidienne des actes les plus sordides. La diffusion ultra-rapide de vidéos par les chaînes d’information en continu à la recherche d’audience et les réseaux sociaux démultiplie leur impact. La montée en épingle de la violence des jeunes questionne la critique de la désinformation et des « fake news », souvent dénoncées quand elles proviennent de puissances étrangères, bien plus rarement quand il s’agit de la presse française. Rares sont les médias qui, à l’instar de France Info, vérifient les allégations forgées à partir de faits divers3.

Notes:

  1. Voir « 2000-2020, un aperçu statistique du traitement pénal des mineurs », Infostat Justice, n°1986, ministère de la Justice, juin 2022. Actualisation pour la période 2021-2023 avec les données du ministère de l’Intérieur.
  2. « En dépit de dramatiques faits divers, le nombre de mineurs auteurs de délit baisse », Christian Mahouanna, Le Monde, 24 avril 2024.
  3. Même, par ailleurs, cela n’a pas empêché par ailleurs la radio publique de relayer de manière abondante les faits divers de violences commises par les jeunes.