Les inégalités en matière de cadre de vie sont au cœur des inégalités dites « environnementales ». Dans ce domaine, les quartiers les plus pauvres se distinguent très nettement si l’on en croit l’enquête cadre de vie de l’Insee (données 2018)1. Les 1 500 quartiers dits « prioritaires » de la politique de la ville (et que nous qualifions de « quartiers pauvres ») regroupent cinq millions d’habitants, soit un peu moins de 8 % de la population. On en parle beaucoup pour le niveau du chômage ou de l’insécurité, mais leurs habitants se plaignent aussi de vivre dans un cadre peu agréable.

La première forme d’inégalité environnementale est le cadre de vie global. 46 % des habitants de ces quartiers jugent2 que l’environnement global de leur quartier est dégradé, mal entretenu, qu’il manque de propreté, soit 2,3 fois plus que dans les quartiers environnants des villes qui comptent un quartier pauvre. 36 % se plaignent de parties communes ou d’équipements intérieurs dégradés, contre 16 % des habitants des quartiers avoisinants.

La deuxième forme d’inégalité environnementale est liée à la pollution. Globalement, les habitants des quartiers pauvres ne se plaignent pas plus que les autres (43 % contre 38 %) de la qualité de l’air, des sols ou de l’eau. 33 % contre 23 % regrettent le manque d’espaces verts. Ce qui gêne le plus ceux qui vivent dans ces quartiers, c’est le bruit : 50 % s’en plaignent, deux fois plus que dans les quartiers avoisinants.

Certes, ces données déclaratives mériteraient d’être complétées par des instruments de mesure objectifs. Quoi qu’il en soit, les Français sont inégaux dans leur environnement de vie et les populations les plus pauvres de ces quartiers sont les premières touchées. Ces données moyennes cachent un environnement encore bien plus dégradé  pour quelques quartiers particulièrement pauvres. Les inégalités environnementales y sont encore plus grandes. Inversement, cela ne signifie pas que ces quartiers ressemblent à la caricature qu’on en fait souvent. Par ailleurs, une partie des quartiers plus aisés subissent aussi des pollutions, notamment celle liée au bruit.

Plusieurs facteurs très complexes s’entremêlent pour expliquer ces inégalités dites « environnementales ». Une grande partie des cités, bâties dans les années 1970, étaient alors à la pointe de la modernité même s’il est vrai qu’une grande partie d’entre elles ont été construites là où le foncier était très peu cher, en périphérie, près des grandes routes. Certaines infrastructures vieillissent et les propriétaires – des sociétés HLM dans l’immense majorité des cas – n’investissent pas assez pour les moderniser. L’environnement qu’elles offrent ne correspondent plus aux aspirations d’une grande partie des Français : le pavillon et son jardin.

Ces quartiers paient aussi la crise et l’appauvrissement des locataires. Une partie des inégalités que l’on qualifie d’« environnementales » sont en réalité des inégalités sociales, liées à la concentration de populations très pauvres, rejetées par certaines communes aisées. Par ailleurs, une partie des dégradations et du bruit sont le fait de jeunes de milieux populaires qui expriment leur rage de « galérer » et d’être contraints de vivre à part dans des lieux qu’ils n’ont pas choisis. Ces inégalités sont alors en grande partie le reflet des inégalités de niveau de vie et de diplôme.

 

Notes:

  1. Voir Bien vivre dans les quartiers prioritaires – Rapport 2019 de l’Observatoire national de la politique de la ville, ANCT-ONPV, août 2020.
  2. Il s’agit de données déclaratives qui correspondent à la perception qu’en ont les habitants.