Un nombre croissant de Français estiment que les rôles des femmes et des hommes devraient être indifférenciés. Le classique, l’homme au travail/la femme à la maison, fait de moins en moins d’adeptes. Ce qui n’empêche qu’un long chemin reste à faire.

La part de ceux qui estimaient que « dans l’idéal, les femmes devraient rester à la maison pour élever leurs enfants » était presque équivalente à celle de ceux qui pensaient l’inverse au début des années 2000. Aujourd’hui, 80 % de la population n’est pas d’accord avec cette affirmation, selon les données du ministère des Solidarités. En 1990, près des deux tiers des Français étaient plutôt ou tout à fait d’accord avec l’affirmation « avoir un travail c’est bien, mais ce que la plupart des femmes veulent vraiment c’est un foyer et un enfant », cette proportion est tombée à 40 % en 2018, selon l’enquête Arval sur les valeurs. La part des « tout à fait d’accord » a été divisée par deux, de 21 % à 12 %. Enfin, la proportion de la population qui juge que le partage des tâches domestiques est « très important » pour la réussite d’un couple est passée de 33 % en 1981 à 46 % en 2018.

Le sexisme est pourtant loin d’avoir disparu : « en dépit d’une sensibilité toujours plus grande aux inégalités depuis Me too, les clichés et les stéréotypes sexistes perdurent », rappelle le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans son rapport sur l’état du sexisme en France 1. 17 % des Français estiment que le fait qu’une femme cuisine tous les jours pour toute la famille est « normal » ou « très bien ». 8 % trouvent « normal » le fait qu’un homme refuse que sa conjointe rencontre d’autres hommes et 13 % y sont indifférents.  

Dans une analyse détaillée des rôles sociaux des hommes et des femmes2, le sociologue Adrien Papuchon montre par exemple que pour 12 % des Français, « le rôle d’un homme, c’est de gagner l’argent du ménage, le rôle d’une femme, c’est de s’occuper de la maison et de la famille »(donnée 2014). Il souligne le rôle joué par l’élévation du niveau d’éducation au fil des générations, notamment à partir de celles nées après la Seconde Guerre mondiale, mais nuance : « Le pas accompli est toutefois limité et ambivalent, dans la mesure où il s’est accompagné du développement d’une « double journée de travail » féminine et de la persistance de l’idée d’une « vocation parentale » spécifique aux femmes », conclut le chercheur. Le chemin qui reste à parcourir est encore long et l’audience donnée, particulièrement via les réseaux sociaux, aux militants du retour à une répartition traditionnelle sexuée des rôles indique que les progrès en matière d’égalité entre les femmes et les hommes peuvent toujours être remis en cause.

Photo : Nsey Benajah / Unsplash

Notes:

  1. Rapport annuel 2023 sur l’état des lieux du sexisme en France, Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, janvier 2023.
  2. « Rôles sociaux des femmes et des hommes. L’idée persistante d’une vocation maternelle des femmes malgré le déclin de l’adhésion aux stéréotypes de genre », Adrien Papuchon in Femmes et hommes, l’égalité en question, Insee références, Insee, mars 2017.