Les actes racistes enregistrés par la police et la gendarmerie progressent en France. Selon le ministère de l’Intérieur, après une période de diminution, de 11 600 faits en 2015 à 8 900 en 2017, ces derniers sont remontés à 12 500 en 2022. Les cas les plus graves, les crimes et délits, ont augmenté de 5 100 en 2017 à 6 555 en 2022, soit une hausse de 29 %1. Les données du ministère de la Justice sur les condamnations indiquent une diminution à partir du milieu des années 2000 suivie d’une relative stabilisation autour de 450 par an jusqu’à la fin des années 2010. Depuis 2018 (nouvelle série), les condamnations ont plus que doublé, d’un peu plus de 600 par an pour se situer à 1 382 en 2021.

Comme le note la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) « il convient de manier les chiffres, quels qu’ils soient, avec précaution et d’en relativiser la portée »2. Les événements déclarés ne reflètent qu’une faible partie de la réalité. Le racisme au quotidien, banal, est rarement enregistré. Seules les variations des données ont un intérêt, car dans l’immense majorité des cas les victimes ne portent pas plainte. Par ailleurs, la classification d’un fait « raciste » comporte toujours une part de subjectivité de la part de celui qui l’enregistre. Pour partie, ces chiffres évoluent en fonction de l’activité des services de l’État, police, gendarmerie ou justice. Or, selon la CNCDH, « les agents de terrain (police, gendarmerie) sont de mieux en mieux formés et de plus en plus attentifs à la qualification de racisme des faits qu’ils enregistrent, ce qui peut être aussi un facteur d’augmentation des relevés ».

Pour pallier ces difficultés et tenter de mesurer le nombre d’actes à caractère raciste, notamment ceux du quotidien, on peut aussi poser la question à la population. Depuis 2006, tous les ans, le ministère de l’Intérieur réalise une enquête – dite de « victimation » – dans laquelle il demande aux personnes interrogées : « avez-vous été victime d’injures ou de violences racistes ? ». Les injures de type raciste représentent entre 10 % et 15 % de l’ensemble des injures globalement proférées. Les violences, entre 5 % et 7 %. Si l’on suit cet indicateur, les évolutions demeurent modestes. Le nombre de personnes victimes d’injures à caractère raciste a augmenté de 560 000 à 740 000 par an entre 2008 et 2013, puis il a nettement diminué pour revenir à 530 000 en 2018. Mesuré uniquement depuis 2011, le nombre de personnes se déclarant victimes de violences physiques à caractère raciste a été divisé par deux, d’un pic de 236 000 en 2012 à 114 000 en 2018. Malheureusement, ni l’Insee ni le ministère de l’Intérieur n’ont publié de données pour les dernières années3.

Comme pour l’insécurité en général, quand une société est plus attentive à un phénomène social, elle fait ressortir des actes qui hier étaient passés sous silence. Il est possible que l’évolution actuelle résulte d’une plus grande attention à ces faits par les forces de l’ordre ou d’une meilleure (ou plutôt « moins mauvaise ») déclaration de la part des victimes. Il faudra attendre les prochains résultats des enquêtes de victimation pour statuer. Pour autant, l’ampleur des variations a de quoi inquiéter. Il est aussi possible que les discours xénophobes tenus par certains responsables politiques, largement reproduits sur les réseaux sociaux et certains médias, légitiment le passage à l’acte raciste. Si cette tendance se poursuivait, il s’agirait d’un profond recul pour la société française.

Notes:

  1. Voir « Les atteintes à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux en 2022 », Interstats-min. de l’Intérieur, n°57, mars 2023.
  2. La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, année 2022, Commission nationale consultative des droits de l’homme, Documentation française, 2023.
  3. Une nouvelle enquête a été mise en place en 2022 dont les résultats sont attendus pour fin 2023.