18 % de la population âgée de 18 à 49 ans déclare avoir été discriminée ou avoir subi un traitement inégalitaire au moins une fois au cours des cinq dernières années, selon des données 2019-2020 de l’Insee 1. La proportion atteint 26 % chez les immigrés et 28 % chez les descendants d’immigrés, contre 15 % dans la population sans ascendance migratoire. Cette moyenne cache des écarts importants : 42 % des descendants d’immigrés d’Afrique hors Maghreb ont ressenti des discriminations à leur égard, quelle que soit la forme qu’elles prennent.
Au sein des populations qui se disent discriminées, l’origine ou la couleur de peau sont les motifs de discriminations de loin les plus fréquents avec 82 % chez les immigrés (71 % chez les descendants). Dans la population ni immigrée ni descendante d’immigré, le genre est le principal motif cité à la hauteur de 41 %. Chez les femmes (toutes origines confondues), la part s’élève à 47 %, contre 6 % chez les hommes. L’âge arrive ensuite pour 17 % et l’état de santé ou le handicap pour 10 %.
Les discriminations se cumulent. 37 % des descendants d’immigrés d’origine maghrébine disent avoir été discriminés, 28 % du fait de leurs origines ou leur couleur de peau, 11 % de leur religion, 6 % de leur sexe et 4 % de leur âge. Si on mesure l’impact de chaque facteur de manière isolée, l’origine est, de loin, celui qui compte le plus. La probabilité de se dire discriminé est par exemple de 3,5 fois supérieure chez les hommes natifs d’outre-mer et 4,9 fois chez les immigrés d’Afrique hors Maghreb, comparé aux hommes sans ascendance migratoire. Le fait d’être jeune (les 18-29 ans comparés aux 30-39 ans), d’appartenir à une religion (par rapport être sans religion) et d’être au chômage (comparé au fait d’avoir un emploi) entraînent – toujours toutes choses égales par ailleurs – pour les hommes un risque entre 1,5 et deux fois supérieur. L’état de santé multiplie ce risque par deux chez les hommes et par 1,7 chez les femmes. Le milieu social, le diplôme, le fait d’habiter un quartier prioritaire de la politique de la ville et les revenus n’ont pas d’impact significatif sur le fait de se dire discriminé.
Face à l’expérience de la discrimination, la résignation reste la réaction la plus fréquente : 38 % des personnes se sentant discriminées ont contesté ou se sont indignées et seulement 2 % ont porté plainte (plusieurs réponses sont possibles, les situations peuvent se cumuler). Mais 13 % n’ont rien fait parce qu’ils ne savaient pas quoi faire et 48 % parce qu’ils pensaient que cela ne servirait à rien.
La proportion de personnes qui déclarent avoir été discriminées a progressé de 14 % à 18 % entre la période 2008-2009 et 2019-2020. Elle a augmenté de quatre points de 24 % à 28 % chez les descendants d’immigrés, pour l’essentiel du fait des personnes originaires de l’Europe de l’Est. Cette part n’a pas augmenté pour ceux d’origine du Maghreb ou des autres pays d’Afrique, ainsi que chez les immigrés en général. La religion est un motif plus souvent cité, comme le note l’Insee « 10 % des personnes se déclarant de confession musulmane rapportent des discriminations religieuses, contre 5 % en 2008-2009 ». La progression est beaucoup plus forte chez les femmes (de 14 % à 22 %) que chez les hommes (de 13 % à 15 %). Il est impossible de dire si elle relève d’une hausse des discriminations ou d’une plus grande sensibilité à celles-ci.
Le sentiment de discrimination, un concept à utiliser avec précaution Les données de l’Insee sur le ressenti des discriminations donnent une information importante : le jugement porté par les citoyens sur leur expérience, ce qu’ils disent vivre. Elles le sont d’autant plus que la plupart des faits échappent à la mesure statistique : il s’agit souvent de propos ou de pratiques de la sphère privée et dans leur immense majorité non déclarés aux services de police et de gendarmerie. En revanche, ce ressenti évolue en fonction de la sensibilité et de la médiatisation de certains faits. Se dire « discriminé » peut aussi rassembler des faits de gravité très différents.
Notes:
- « En dix ans, le sentiment de discrimination augmente, porté par les femmes et le motif sexiste », Jérôme Lê, Odile Rouhban, Pierre Tanneau (Insee), Cris Beauchemin, Mathieu Ichou, Patrick Simon (Ined), Insee première n°1911, juillet 2022. La question posée est « au cours des cinq dernières années, pensez-vous avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations ? » ↩