Le mal-logement est un drame pour des millions de ménages, comme le rappelle chaque année la Fondation Abbé Pierre. Des milliers de personnes, dont de nombreux enfants, dorment tous les soirs à la rue. Pourtant, notre pays regorge de logements inoccupés. Le nombre de logements vacants ne cesse d’augmenter depuis le milieu des années 2000. L’Insee en compte trois millions en 2023, contre 1,9 million il y a 20 ans : une hausse de plus de 50 %. Leur part dans l’ensemble du parc de logements est passée de 6 à 8 % du milieu des années 2000 au milieu des années 2010, puis s’est stabilisée depuis (voir graphique en fin d’article).

Pour l’Insee, un logement vacant est un logement non occupé, mais destiné à l’usage d’habitation. Trois millions de logements vacants ne constituent pas trois millions de logements disponibles. Certains sont en attente de relocation ou de vente seulement depuis quelques semaines. On trouve aussi des biens trop dégradés pour être habités, des appartements de centre-ville comme des logements en milieu rural très éloignés des emplois. En moyenne, les biens vacants sont de moins bonne qualité : le taux de vacance est de 26 % dans le parc de qualité médiocre, contre 6 % dans celui des logements de catégorie « grand luxe à confortable » (données de l’enquête logement 2013 de l’Insee).

Il n’en demeure pas moins que le réservoir de logements inutilisés parce que leurs propriétaires ne veulent pas les louer reste considérable. Près d’un quart des logements vacants (donnée Insee 2013) le sont depuis plus de quatre ans, soit 750 000 au total. Une bonne part de logements non occupés se situent là où le marché du logement est tendu. Dans la seule ville de Paris, 129 000 logements sont concernés, selon le recensement de 2020 de l’Insee. Au total, on en compte 400 000 pour toute l’Ile-de-France, selon l’Insee qui note que dans la capitale, le taux de vacance est supérieur à la moyenne nationale. Pour les seules villes de Bordeaux, Nice, Lyon, Lille et Marseille, l’Insee enregistre 240 000 logements inutilisés (données 2020).

Ces cinq villes et l’agglomération parisienne regroupent à elles seules plus de 600 000 logements vacants, de quoi loger 1,2 million de personnes si on compte deux personnes par foyer. Admettons que seul un quart de ces logements soient utilisables (ce qui est très restrictif), pas moins de 400 000 personnes pourraient être logées en récupérant ces surfaces libres.

La situation devient incompréhensible : on a d’un côté une crise du logement, alimentée en partie par une faible production de logement sociaux, et de l’autre des logements inutilisés, parfois pendant des années. En théorie, on devrait pouvoir attendre que le marché se régule tout seul : un logement vide coûte de l’argent à son propriétaire (taxe foncière, assurance et travaux d’entretien). Visiblement, ce coût n’est pas assez élevé, compte tenu du niveau de vie des propriétaires. La hausse de la taxe annuelle sur les logements vacants en 2023 (de 12,5 % de la valeur locative à 17 % la première année, de 25 % à 34 % les années suivantes) et son extension à de nouveaux territoires va dans le bon sens, mais il n’est pas certain qu’elle soit assez dissuasive et elle ne concerne qu’une partie des communes.