Depuis 40 ans, le taux de départ en vacances a très peu évolué. Il était de 61 % en 1985 selon le Crédoc et de 64 % en 2019 avant la crise sanitaire. Avec la crise sanitaire, en 2020, seuls la moitié des ménages sont partis. Ils ont été 54 % en 2021.
Cette période couvre trois phases : une stabilité autour de 65 % de la fin des années 1980 à la fin des années 1990, suivie d’une baisse (le taux chute à 51 % en 2004) et une lente remontée dans les années 2010, interrompue par la crise sanitaire. Le boom des vacances s’est produit il y a beaucoup plus longtemps, entre 1964 et 1985 : le taux de départ (selon la mesure de l’Insee) a alors grimpé de 42 % à 58 %1.
Hors crise, un gros tiers de la population ne part pas chaque année. Prendre des vacances est loin d’être le lot commun. Et encore, la définition des congés est stricte : le Crédoc parle de « vacances » à partir de quatre jours passés hors du domicile personnel. Il peut s’agir de quelques kilomètres pour visiter de la famille ou des amis un week-end prolongé. Très loin de 15 jours au bord de la mer par exemple.
Le plafonnement du taux de départ peut s’expliquer de plusieurs façons. Depuis près d’une vingtaine d’années, les niveaux de vie stagnent pour les catégories les moins favorisées et depuis dix ans pour le niveau de vie médian. Cela n’aide pas à partir. La précarité de l’emploi rend aussi les départs difficiles. Une précédente étude du Crédoc avait montré que la hausse du taux de départ à la fin des années 2000 et au début des années 2010 résultait pour l’essentiel d’une progression chez les seniors : le taux de départ des plus de 70 ans est passé de 32 à 47 % entre 2008 et 2014. Les revenus de ces générations progressent, car elles ont moins été marquées par le chômage et du fait de l’activité féminine. En meilleure santé physique, leurs modes de vie – et leur rapport aux loisirs – changent. À l’inverse, entre 2009 et 2014, le taux de départ des 18-24 ans avait baissé de 65 à 60 %.
En matière de congés, le revenu classe. Certes, selon l’Insee de moins en moins de ceux qui figurent parmi les plus modestes disent « ne pas avoir les moyens de se payer une semaine de congés hors de leur domicile » (voir graphique). Il n’en demeure pas moins que c’est le cas de la moitié des 20 % les plus pauvres sont dans ce cas, ce qui représente environ six millions de personnes (enfants compris), dont les revenus sont insuffisants pour partir en vacances. Le contraste est grand entre le modèle véhiculé par exemple par la télévision sur les modes de vie des Français et le vécu d’une grande partie des familles de milieu populaire. Le modèle de la famille qui se met au vert l’été et au blanc l’hiver reste l’apanage du haut de l’échelle sociale. Parmi les ménages modestes, seuls ceux qui disposent d’un hébergement gratuit (famille ou amis) ou qui sont aidés par un comité d’entreprise (pour ceux qui travaillent dans les plus grandes entreprises) peuvent s’offrir de plus longs congés hors de chez eux.
Notes:
- Depuis 2004, l’Insee ne publie malheureusement plus de données sur ce sujet. ↩