Le nombre total d’allocataires de minima sociaux devrait atteindre quatre millions fin 2023, selon nos estimations d’après les données du ministère des Solidarités1. Il retrouve ainsi son niveau de 2018, après avoir connu un pic lié à la crise sanitaire. Il demeure à un niveau très supérieur aux trois millions des années 2000.
Le nombre global d’allocataires, toutes prestations confondues, a fortement progressé entre 2010 et 2015, à la suite de la crise de 2008. Hormis l’année 2020, son niveau semble désormais stable autour de quatre millions, soit environ sept millions de personnes couvertes, enfants compris2. Il regroupe quatre principales prestations qui peuvent évoluer de manière différente, car ils concernent différentes situations : le revenu de solidarité active (attribué aux personnes pauvres de plus de 25 ans), l’allocation de solidarité spécifique (chômeurs en fin de droits), l’allocation adulte handicapé et le minimum vieillesse.
Du milieu des années 1990 à la fin des années 2000, le nombre d’allocataires de minima sociaux stagnait autour de trois millions. La hausse de la pauvreté des adultes (concernés par le RMI puis le RSA) était en effet compensée par la baisse de celle des plus âgés (allocataires du minimum vieillesse ou veuvage). La réduction du nombre de personnes âgées pauvres était liée en particulier à l’amélioration du niveau de retraite des femmes, du fait de la hausse de leur taux d’activité depuis les années 1970.
Depuis le milieu des années 2000, le nombre d’allocataires du minimum vieillesse semble avoir atteint un plancher. Les carrières professionnelles des femmes continuent à s’améliorer. Elles sont donc moins nombreuses à toucher le minimum vieillesse, mais de plus en plus de salariés arrivent à l’âge de la retraite avec des pensions amputées par les effets de période d’inactivité, de chômage ou de temps partiel notamment. Depuis 2019, pour la première fois depuis le début des années 1990, on a constaté une augmentation du nombre de personnes touchant le minimum vieillesse, qui résulte pour partie l’effet d’une revalorisation de son montant3.
Le nombre de personnes qui touchent l’allocation de solidarité spécifique (chômeurs en fin de droits) a presque été divisé par deux depuis 2017. À l’opposé, celui de ceux qui perçoivent l’allocation adulte handicapé a augmenté depuis 20 ans, pour atteindre 1,3 million en juin 2024, deux fois plus qu’au milieu des années 1990. Ceci s’explique par sa revalorisation, mais reflète aussi un retrait du marché du travail de personnes marquées physiquement. Pour partie, il s’agit d’une politique de traitement du chômage : les allocataires ne sont plus comptabilisés comme demandeurs d’emploi.
Enfin, le nombre de foyers allocataires du RSA atteignait 1,83 million en juin 2024. Il est revenu à son niveau de 2014 et continue de diminuer lentement depuis 2021. Notre modèle social a joué son rôle d’amortisseur et le soutien public massif à l’activité pendant cette crise a évité une récession qui aurait fait basculer une grande partie de la population dans la pauvreté.
Au final, le plafonnement du nombre d’allocataires du minimum vieillesse devrait alerter sur le maintien d’une pauvreté des personnes âgées, d’autant plus inquiétante que ces personnes n’ont aucun moyen pour élever d’eux-mêmes leurs revenus. La progression du nombre d’allocataires au titre du handicap correspond plus à une politique sociale qui a pour effet de retirer une partie des personnes du marché du travail qu’à une hausse du handicap lui-même. Elle laisse entière la question de l’accès à l’emploi des personnes handicapées qui continuent à avoir d’énormes difficultés. La baisse du chômage réduit le nombre d’allocataires chômeurs en fin de droits, et a un très lent sur celui des allocataires du RSA. La question qui se pose pour eux est le retour à un emploi convenable, et l’aide dont ils peuvent disposer pour cela.
L’inflation ralentit, mais les personnes allocataires de minima sociaux ont subi un choc d’autant plus important que les prestations sont revalorisées sur la base d’un indice des prix calculé pour un ménage moyen qui reflète mal la hausse qu’ils subissent. Pour les plus modestes en effet, la part des produits de base et de l’énergie est plus importante dans leur budget. Pour des personnes qui n’épargnent rien, chaque hausse de prix non compensée se traduit par des restrictions fortes sur des postes essentiels, comme la nourriture, le chauffage ou l’habillement.
Photo : useche360/Pixabay
Notes:
- Pour de très nombreux détails sur le sujet, voir Minima sociaux et prestations sociales, ministère des Solidarités, septembre 2023. ↩
- Les données portent sur des ménages, qui peuvent être composés de plusieurs personnes. En moyenne, on en compte 1,6 par foyer allocataire ↩
- Quand ce montant est réévalué, les personnes dont les revenus étaient inférieurs à la prestation peuvent alors la toucher. ↩