txpauvrelevevilleAvec 44,8 % de pauvres, Grigny – banlieue sud de Paris – est la commune où le taux de pauvreté est le plus élevé de France, selon l’Insee, au sein des villes de plus de 20 000 habitants1. Ce niveau est trois fois plus élevé que la moyenne nationale (14 %). Non loin de Grigny, on trouve Clichy-sous-Bois, Aubervilliers et La Courneuve : 14 des dix communes où le taux est le plus élevé se situent en banlieue parisienne. Roubaix, Maubeuge, Béziers, Vaulx-en-Velin, Lens et Mulhouse complètent le classement. La plupart des communes de notre classement conjuguent deux grands facteurs : elles ont subi les conséquences de décennies de déclin de l’emploi industriel et elles ont accueilli sur leur territoire une part importante de familles de milieux populaires, notamment dans le logement social. Un phénomène très ancien : ces villes sont fréquemment celles qui ont logé les populations immigrées qu’on a fait venir dès les années 1950 pour répondre aux besoins de l’activité économique. Ainsi par exemple, le quartier de « La Grande Borne » à Grigny au sud de Paris a été créé à la fin des années 1960, pour loger une partie des populations alors entassées dans les bidonvilles de la région.

La situation sociale de ces communes est dégradée, notamment dans certains quartiers où le taux de pauvreté dépasse encore les moyennes affichées ici (de l’ordre de 60 à 70 %). L’insécurité économique dans laquelle vivent les habitants, et en particulier les jeunes adultes, rejaillit logiquement dans la vie quotidienne. Pour autant, la lecture de ces données doit être faite avec précaution. Tout d’abord, le seuil de pauvreté utilisé ici est fixé à 60 % du niveau de vie médian, environ 1 000 euros par mois pour une personne seule, ou 2 500 euros pour un couple avec deux adolescents. On rassemble des populations qui vivent dans le plus grand dénuement et des familles modestes dont la situation économique est très différente. Ensuite, comme pour le chômage, un niveau élevé de pauvreté peut se combiner avec un certain dynamisme économique : les créations d’emplois attirent de nouvelles populations. A l’inverse, dans certaines villes le taux de pauvreté peut être inférieur parce qu’une partie de la population est partie chercher meilleure fortune ailleurs.

13 des 20 communes où le taux de pauvreté est le plus faible figurent en Ile-de France (Gif-sur-Yvette, Le Chesnay, Vélizy-Villacoublay…). Cette coexistence de pauvreté élevée et faible dans un espace limité illustre l’ampleur des écarts de la région capitale. En parcourant les 4 km qui séparent le centre-ville de Saint-Ouen (au nord de Paris) et celui de Levallois-Perret (à l’ouest), on passe de 29 % de pauvres à 9 %. D’autres communes de banlieues de grandes villes comme Vertou (banlieue nantaise) ou Saint-Médard-en-Jalles (banlieue bordelaise) figurent aussi parmi les villes où le taux de pauvreté est le plus faible. Au total, dans ces  20 communes, le taux de pauvreté est inférieur ou égal à 7 %. Ces villes sont à la fois proches des lieux où l’emploi de cadres supérieurs est le plus élevé et offrent une part très faible de logement social : elles ont repoussé vers les autres communes limitrophes l’accueil des populations les plus pauvres.

tauxpauvretefaiblevilleCe type de classement illustre les écarts qui marquent le territoire et comment un taux de pauvreté moyen de 14 % décrit bien mal ce qui se passe dans certaines communes. Pour autant, il faut bien en mesurer les limites. D’abord, celles du découpage administratif. Inclure ainsi Allauch mais non les 12e et 13e arrondissements marseillais voisins relève de l’arbitraire statistique. Si l’on considérait comme des communes les arrondissements de Paris, Lyon et Marseille le classement changerait complètement : cinq arrondissements de la cité phocéenne figureraient alors aux 20 premières places par le taux de pauvreté. Et si on avait découpé autrement les trois arrondissements du nord de Paris (18e, 19e et 20e, près de 200 000 habitants chacun), ils y figureraient aussi. Ensuite, celles liées au choix de la taille. Nous n’avons comptabilisé que les communes de plus de 20 000 habitants. Comparer des entités de taille trop différentes est délicat. Si on intègre au classement l’ensemble des communes pour lesquelles le taux de pauvreté est mesuré (au moins 2 000 personnes), alors des villes de plus petite taille viennent modifier l’ordre présenté, qu’il s’agisse de territoires très riches ou très pauvres.

Ces données demandent à être complétées. En analysant les différentes formes que peut prendre la pauvreté : familles, personnes seules, personnes âgées, etc. Et en réalisant des typologies de communes ou d’intercommunalités selon ces critères, comme l’a fait le bureau d’études Compas2. En différenciant la pauvreté selon le type de commune : une ville isolée de 10 000 habitants n’a pas les mêmes fonctions qu’une commune de même taille proche d’une agglomération de plusieurs centaines de milliers d’habitants. Les données de l’Insee indiquent ainsi que les deux tiers des pauvres vivent au centre des grandes agglomérations ou leur banlieue. Ou en entrant dans le détail des quartiers : le Compas avait révélé que certains quartiers de Paris (comme la Goutte d’Or) ou de Lyon (Balmont-La Duchère) connaissent des taux de pauvreté supérieurs à 40 %. Regroupés, ces quartiers ont une taille équivalente à une ville moyenne de province.

 

Paris, ville qui compte le plus de pauvres
Les communes où le nombre de pauvres est le plus élevé sont, logiquement, les communes les plus peuplées : 340 000 pauvres à Paris, 200 000 à Marseille, 73 000 à Toulouse par exemple. L’ordre de taille n'est pas toujours respecté : on compte autant de pauvres (40 000) à Nîmes qu'à Nantes, ville dont la taille est pourtant deux fois supérieure. A elles seules, ces 20 communes rassemblent 1,6 million de personnes pauvres, environ 15 % de l'ensemble.

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Notes:

  1. Les personnes vivant en collectivité ne sont pas comptabilisées. Seuil de pauvreté de 60 % du niveau de vie médian.
  2. Voir « Pauvreté et types de ménages : une typologie des intercommunalités », Violaine Mazery, Compas Etudes n°19, décembre 2016. ». Le Compas finance le Centre d’observation de la société.