À la question « quel est le salaire moyen en France ? », la réponse de n’importe d’un moteur de recherche sur Internet donne 2 500 euros mensuels, en « EQTP », la donnée de l’Insee, en « équivalent temps plein ». C’est à partir de ce chiffre que se fonde le débat public. Pourtant, ce n’est pas ce que disent les fiches de paie. Si on calcule la moyenne de ce que touchent les salariés, on arrive à 1 800 euros (donnée Insee 2019). Ce chiffre – que l’Insee appelle « revenu salarial » – comprend les personnes en temps plein (les « EQTP »), mais aussi en temps partiel ainsi que celles qui n’ont travaillé que quelques mois dans l’année1. Raisonner en équivalent temps plein a du sens, mais mesurer le revenu salarial permet de mieux comprendre les niveaux de rémunération au travail.

Commençons par le bas. En France, 10 % des salariés reçoivent au maximum 234 euros par mois2. Chez les employés – on devrait dire les « employées » parce qu’il s’agit très majoritairement de femmes – ce chiffre est d’au plus 147 euros, et de 185 euros pour les ouvriers. Employés et ouvriers représentent à eux seuls 45 % des emplois en France, ils constituent le cœur des catégories populaires. Avec 203 euros au mieux par mois, les femmes des 10 % du bas de l’échelle sont défavorisées par rapport aux hommes, qui se situent au plus à 277 euros mensuels. Parmi ces très bas salaires, certains n’ont travaillé qu’une partie de l’année et/ou à temps très partiel. Il s’agit notamment de femmes en temps partiel contraints, de jeunes qui n’ont que des morceaux d’emploi.

Quand on s’élève dans la hiérarchie, on note que la moitié des salariés ont moins de 1 612 euros par mois. Chez les employés, la moitié est en dessous de 1 231 euros de 1 417 euros chez les ouvriers. Enfin, en haut de la distribution, 10 % touchent plus de 3 285 euros. Chez les cadres, ce seuil des 10 % se situe à 5 905 euros, chez les employés à 2 137 euros.

Le raisonnement en temps complet permet de comparer les salariés sur une même base de temps de travail. Personne ne conteste qu’une personne à mi-temps touche moitié moins qu’une personne à plein temps. Il a plus de sens que le revenu salarial en matière d’inégalités par exemple. Pour autant, les véritables revenus salariaux, trop négligés dans le débat public, reflètent les niveaux de vie issus du travail, notamment des catégories populaires et en particulier des femmes plus souvent en temps partiel.

Ces données sur les salaires montrent qu’une part importante de la population ne peut accéder, avec le seul fruit de son travail, aux normes de consommation en vigueur (loisirs, vacances, etc.) sauf à compter sur les autres quand ils le peuvent : des parents, un ou une conjointe, etc. Ces données permettent aussi de mieux saisir les inquiétudes sur le « pouvoir d’achat » dans des milieux dont les budgets mensuels sont extrêmement tendus et pour qui une hausse des prix pèse sur des dépenses dont ils peuvent difficilement se priver.

Notes:

  1. Les salariés agricoles, les stagiaires et les personnes employées par des particuliers ne sont pas comptés.
  2. Cela ne veut pas dire que tous touchent ce niveau de salaire mensuellement, car on prend en compte les revenus sur l’ensemble de l’année divisés par 12.