Le nombre total d’allocataires de minima sociaux devrait atteindre 3,9 millions en 2022, selon nos estimations d’après les données du ministère des Solidarités1. Il retrouve ainsi son niveau de 2019, après le pic lié à la crise sanitaire mais il demeure très élevé, largement supérieur aux trois millions des années 2000.

Le nombre global d’allocataires de minima sociaux, toutes prestations confondues, a fortement progressé entre 2010 et 2015, à la suite de la crise de 2008. Hormis l’année 2020, son niveau semble donc relativement stable autour de 3,9 millions, ce qui représente environ sept millions de personnes couvertes, enfants compris2. Il regroupe quatre principales prestations qui peuvent évoluer de manière différente, car ils ne concernent pas le même type de personnes : le revenu de solidarité active (personnes pauvres de plus de 25 ans), l’allocation de solidarité spécifique (chômeurs en fin de droits), l’allocation adulte handicapé et le minimum vieillesse.

Jusqu’à la fin des années 2000, le nombre d’allocataires de minima sociaux stagnait autour de trois millions. La hausse de la pauvreté des adultes (concernés par le RMI puis le RSA) était compensée par la baisse de celle des plus âgés (allocataires du minimum vieillesse ou veuvage). La réduction du nombre de personnes âgées pauvres était liée en particulier à l’amélioration du niveau de retraite des femmes, du fait de la hausse de leur taux d’activité depuis les années 1970.

Depuis le milieu des années 2000, le nombre d’allocataires du minimum vieillesse semble avoir atteint un plancher et ne compense plus la montée du RSA. Les carrières professionnelles des femmes continuent à s’améliorer et elles sont donc moins nombreuses à toucher le minimum vieillesse, mais de plus en plus de salariés arrivent à l’âge de la retraite avec des pensions amputées par les effets de période d’inactivité, de chômage ou de temps partiel notamment. Depuis 2019, pour la première fois depuis le début des années 1990, on a constaté une augmentation du nombre de personnes touchant le minimum vieillesse, qui résulte pour partie l’effet d’une revalorisation de son montant3.

Le nombre de personnes qui touchent l’allocation de solidarité spécifique (chômeurs en fin de droits) diminue depuis 2015. Depuis cette date, il est passé de 440 000 à 261 000 en mai 2023 sous l’effet de la baisse du chômage. À l’opposé, celui de ceux qui perçoivent l’allocation adulte handicapé a progressé de manière continue depuis 20 ans, pour atteindre 1,2 million en juin 2023, soit deux fois plus qu’au milieu des années 1990. Ceci s’explique par sa revalorisation, mais reflète aussi un retrait du marché du travail de personnes marquées physiquement. Pour partie, il s’agit d’une politique de traitement du chômage : les allocataires n’étant plus comptabilisés comme demandeurs d’emploi.

Enfin, le nombre de foyers allocataires du RSA atteignait 1,86 million en juin 2023. Il est revenu à son niveau de 2019 et continue de diminuer lentement depuis 2021. Notre modèle social a joué son rôle d’amortisseur et le soutien public massif à l’activité pendant la crise sanitaire a évité une récession qui aurait fait basculer une grande partie de la population dans la pauvreté. Il ne faut pas oublier toutefois que ce chiffre demeure deux fois plus élevé qu’au milieu des années 1990.

Ces données nous livrent plusieurs enseignements. Tout d’abord, le plafonnement du nombre d’allocataires du minimum vieillesse devrait alerter sur le maintien d’une pauvreté des personnes âgées, certes très inférieure à ce qu’elle a pu être dans notre pays, mais inquiétante d’autant plus que ces personnes n’ont aucun moyen pour élever d’eux-mêmes leurs revenus. La progression du nombre d’allocataires au titre du handicap correspond davantage à une politique sociale qui a pour effet de retirer une partie des personnes du marché du travail qu’à une hausse du handicap lui-même. Elle laisse entière la question de l’accès à l’emploi des personnes handicapées. La baisse du chômage réduit le nombre d’allocataires chômeurs en fin de droits, mais n’a qu’un effet mineur sur celui des allocataires du RSA. La question qui se pose pour eux est celle de pouvoir retrouver un emploi convenable et d’être aidés dans ce but, une partie de ces personnes étant en grande difficulté.

Pour toutes les personnes allocataires, la question de la revalorisation du montant des prestations devient cruciale en période de forte inflation. Si les minima n’augmentent pas, leur pouvoir d’achat diminue car les prix montent. C’est d’autant plus vrai pour des ménages chez qui l’indice de l’inflation de l’Insee – calculé pour un ménage moyen – reflète mal la hausse qu’ils subissent, car pour eux la part des produits de base et de l’énergie est plus importante dans leur budget. Pour des personnes qui n’épargnent rien, chaque hausse de prix non compensée se traduit par des restrictions fortes sur des postes essentiels, comme la nourriture, le chauffage ou l’habillement.

Notes:

  1. Pour de très nombreux détails sur le sujet, voir Minima sociaux et prestations sociales, ministère des Solidarités, septembre 2023.
  2. Les données portent sur des ménages, qui peuvent être composés de plusieurs personnes. En moyenne, on en compte 1,6 par foyer allocataire
  3. Quand ce montant est réévalué, les personnes dont les revenus étaient inférieurs à la prestation peuvent alors la toucher.