Comment évolue la part des populations urbaines et rurales ? Historiquement, la ville est définie par l’Insee comme un territoire où les constructions sont proches. On est en milieu urbain quand les bâtiments se touchent ou presque (lire notre article). Une nouvelle définition utilise la densité de population (le nombre d’habitants au km2) qui modifie l’approche de la question1.

Les données de l’Insee peuvent être répartie en trois grands groupes. Les villes, les communes rurales sous influence urbaine et les communes rurales autonomes, qui rassemblent respectivement 67 %, 20 % et 14 % de la population. Avec 43 millions de personnes, les urbains sont donc largement majoritaires. La densité de population atteint parfois plusieurs milliers d’habitants par km2. Parmi eux, plus de 25 millions – 40 % de la population française – vivent dans des grands centres urbains. Les métropoles comme Paris, Lyon ou Marseille, mais aussi des villes de plus petite taille comme Pau, Poitiers ou Limoges en font partie. Les centres urbains dits « intermédiaires » se situent un cran en dessous, avec des villes comme Gap ou Albi. Ils regroupent 13 % de la population française, autant que toutes les campagnes isolées. Les petites villes autonomes, comme Figeac ou Sarreguemines et les ceintures urbaines des villes (comme Villers-lès-Nancy) regroupent 16 % de l’ensemble.

L’espace rural peut se diviser en deux selon sa relation à l’espace urbain. D’un côté, des territoires dont une part importante des habitants travaille en ville. Ils sont sous influence des villes selon l’Insee et appartiennent à des zones de plus de 50 000 habitants2. On y trouve des bourgs (comme Vouvray près de Tours) et un habitat rural peu dense, soit une grande partie de ce qu’on appelle le « périurbain », constitué de pavillons proches des centres urbains. Ces espaces regroupent un Français sur cinq. De l’autre, une France rurale très peu dense (quelques habitants au km2), qu’on peut rassembler dans des territoires de moins de 50 000 habitants, comprenant aussi des bourgs, comme La Souterraine dans la Creuse. Au total, la France des campagnes autonomes compte neuf millions d’habitants, soit 14 % de la population totale.

Quelle évolution ?

Ces données apportent une nouvelle lecture de l’analyse de l’évolution de la population sur longue période. Si on observe le nombre d’habitants, la croissance des villes est continue, avec une accélération entre le milieu des années 1950 et le milieu des années 1970. La population rurale autonome décline de la fin du XIXe siècle au début des années 2000. Celle du milieu rural sous influence des villes croît à partir du milieu des années 1970, c’est l’essor de l’habitat pavillonnaire.

Une partie de cette évolution correspond à la croissance globale de la population française, passée de 38 millions à 67 millions entre les années 1880 et 2020. Mais l’évolution de la répartition par type de territoire fait apparaître un phénomène jusque-là bien moins visible à travers l’ancienne méthodologie. En pourcentage, la population urbaine stagne depuis cinquante ans. En proportion, c’est la France des ceintures urbaines qui progresse, de 15 % au milieu des années 1970 à près de 20 % aujourd’hui. Les campagnes isolées continuent à perdre du terrain. Elles restent implantées dans notre imaginaire car la France a longtemps été un pays bien plus rural que ces grands voisins allemand et britannique.

Chaque type de territoire a ses atouts est ses difficultés propres. La France des villes concentre les commerces, les lieux de loisirs, les services publics et les lieux de pouvoir. Ces territoires doivent faire face à l’ampleur de la pauvreté et à des difficultés de logement énormes. Autour de ces villes, les campagnes sous influence donnent l’avantage de disposer de plus d’espace pour soi (notamment un jardin), mais présentent l’inconvénient de temps et de coûts de déplacement élevés, avec une grande dépendance à l’automobile. La France rurale autonome est beaucoup plus isolée. Jusqu’à une vingtaine d’années les campagnes se vidaient de leurs habitants et des activités qui vont avec, notamment de ses commerces ou de ses services publics. D’où un sentiment d’abandon. Ce sentiment est aujourd’hui renforcé dans une société où l’information et les images circulent partout et vite : ce qui hier paraissait une fatalité du fait de l’éloignement (ne pas avoir accès) est vécu comme une frustration.

Pour les services publics, la question de l’équilibre des moyens entre France des villes et des campagnes n’est pas simple à trouver. Il faut répondre aux besoins de masse des grands centres urbains, au sein desquels on trouve aussi des déserts médicaux, par exemple. Mais les habitants les plus éloignés doivent aussi pouvoir disposer d’un minimum pour se nourrir, se soigner, pratiquer des loisirs, etc.

Photo : © Freysteinn-G-Jonsson / Unsplash

Notes:

  1. Cet article s’appuie sur le travail d’Olivier Bouba-Olga : « Urbain, rural sous influence et rural autonome. Définition, répartition et évolution démographique sur longue période », Service Études, prospective et évaluations, DITEP, Pôle DATAR de la région Nouvelle-Aquitaine
  2. Précisément, des aires d’attraction des villes.