En 2040, on devrait compter entre 1,7 et 2,2 millions de personnes âgées dépendantes 1, selon un rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale2. Prévoir l’évolution du nombre de personnes dépendantes est un exercice essentiel pour anticiper l’effort que la collectivité devra faire en direction des personnes âgées. Les conditions d’accueil des personnes âgées sont déjà très inégales : si la demande augmente demain, le risque est important qu’une partie d’entre elles soient en grande difficulté.

Le premier facteur à prendre en compte est l’évolution du nombre total de personnes âgées, auquel on applique ensuite une part de personnes dépendantes. Une partie de l’équation est connue : les personnes qui auront plus de 60 ans en 2040 sont nées avant 1980. Avant 2010, on trouvait parmi la population la plus âgée les générations moins nombreuses nées lors de la première Guerre mondiale, qui sont actuellement remplacées par des générations plus nombreuses, nées dans les années 1920. Par la suite, entre 2015 et 2025, l’augmentation du nombre de personnes très âgées se ralentit du fait de l’arrivée de classes creuses nées dans les années 1930. C’est surtout entre le milieu des années 2020 et 2050 que se produira la principale augmentation : la génération du baby-boom, née à partir du milieu des années 1940, arrivera alors à son tour à l’âge de la dépendance.

D’autres paramètres, moins facilement mesurables, doivent être pris en compte. Il faut estimer l’évolution de l’espérance de vie, et en particulier de l’écart entre l’espérance de vie totale et l’espérance de vie en bonne santé. Si cet écart reste constant, l’allongement de la durée de vie seul n’a pas d’impact : on vit plus longtemps, sans être dépendant. C’est ce qui s’est passé dans les années 2000. Il faut aussi intégrer l’impact de l’évolution de certaines pathologies et notamment l’impact de la maladie d’Alzheimer. Du point de vue de la santé, l’amélioration des conditions de vie, du niveau d’éducation ou la baisse du tabagisme vont dans un sens favorable. À l’opposé, le développement de l’obésité, de l’arthrose ou du diabète jouent en sens inverse.

Selon les projections du Haut conseil du financement de la protection sociale, le nombre de personnes âgées dépendantes serait au final compris entre 1,7 et 2,2 millions en 2040 en fonction des hypothèses et entre 1,8 et 2,7 millions en 2060. Si l’on s’en tient à 2040, la hausse de la population dépendante se situerait entre 400 000 et 900 000 personnes, soit entre + 34 % et + 65 %. Rapportée à la population totale, la part de personnes âgées dépendantes passerait de 2 % à 2,4 % (hypothèse basse) ou à 3,1 % (hypothèse haute). Il faut noter qu’à partir de 2050 l’effet devient moins important, et on peut même noter que la part des personnes âgées dépendantes se stabilise dans la population totale dans l’hypothèse basse. L’effet du baby-boom est en effet terminé. Des scénarios plus favorables sont possibles, notamment si des progrès sont réalisés dans le traitement de la maladie d’Alzheimer.

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Quelle prise en charge ?

Quoi qu’il advienne, il faudra apporter des réponses au vieillissement. À la fois pour la prise en charge de la dépendance à domicile, comme en maison de retraite. La situation est déjà problématique : dans certains territoires, les personnes âgées peu fortunées dépendantes sont accueillies dans de mauvaises conditions (chambres communes, établissements vétustes, faible taux d’encadrement, etc.). Selon la projection intermédiaire du Haut conseil du financement de la protection sociale, d’ici 2040, 260 000 personnes âgées dépendantes supplémentaires devront être hébergées.

evol_pop_maisonretraiteLa France a les moyens de se préparer au phénomène. Selon les dernières données du ministère des Solidarités3, la dépendance coûterait, d’ici 2045, 0,7 point de supplémentaires de PIB, la richesse produite chaque année. Soit l’équivalent de 14 milliards d’euros d’aujourd’hui, ce qui est tout à fait supportable compte tenu de l’importance de l’enjeu. Rappelons que, par exemple, le « pacte de responsabilité » de baisse des charges sociales, décidé en 2014, a, à lui seul, représenté l’équivalent de trois fois cette somme. Encore faut-il ajouter que ces prévisions n’intègrent pas une politique d’amélioration de la qualité d’accueil des personnes âgées.

L’enjeu est de savoir comment sera réparti l’effort de notre pays, et notamment s’il sera pris en charge collectivement par le biais de la fiscalité. Aujourd’hui, 80 % de la dépense (santé, perte d’autonomie et hébergement) est prise en charge. Si cette proportion se réduit, les milieux qui n’auront pas les moyens de financer une aide extérieure, ce sont les femmes (principales « aidantes ») qui supporteront cette charge, alors que de moins en moins d’entre elles aspirent à cela après une carrière active. Par ailleurs, on peut se demander comment les dépenses seront réparties entre les territoires, dont les niveaux de richesses diffèrent et dont les évolutions démographiques ne seront pas identiques.

 

Notes:

  1. Cette prévision porte sur les titulaires de l’allocation personnalisée d’autonomie, il faut ajouter environ 200 000 personnes pour obtenir le niveau total.
  2. « Rapport sur les perspectives de financement à moyen-long terme des régimes de protection sociale », Haut conseil du financement de la protection sociale, juin 2017.
  3. « Personnes âgées dépendantes : les dépenses de prise en charge pourraient doubler en part de PIB d’ici à 2060 », Drees, Études et résultats n°1032, octobre 2017.