La France regorge de lieux de visites culturelles. Six Français sur dix de plus de 18 ans ont visité au moins un monument dans l’année, selon le Crédoc (données 2014, voir « pour en savoir plus»). Les édifices religieux sont les plus visités (41 % en ont visité un dans l’année) après les villes d’art et d’histoire (36 %) ou les châteaux (31 %). Les musées sont moins fréquentés : quatre Français sur dix ont fréquenté un musée, les beaux-arts (peinture, sculpture) arrivant en première position (27 %) suivis des musées d’art moderne ou contemporain (18 %).

visitmuseesEn quarante ans, la fréquentation des musées et des monuments historiques a peu évolué d’après les enquêtes réalisées par le ministère de la culture1. En 2008 (dernière année disponible), 30 % des 15 ans ou plus ont visité un monument historique2 et autant un musée. Un peu moins qu’en 1973 pour les monuments (32 %) et un peu plus pour les musées (27 %), mais l’évolution reste faible. En revanche, la progression a été assez nette pour les expositions de peinture ou de sculpture : un Français sur quatre en avait visité une en 2008, contre un sur cinq en 1973.

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« La fréquentation des équipements culturels, à la différence de bon nombre de pratiques culturelles domestiques, semble donc ne pas avoir souffert de la montée en puissance de la culture numérique au cours de la dernière décennie », analyse Olivier Donnat, responsable au ministère de la Culture de l’enquête sur les pratiques culturelles3. Musées et monuments ont sauvé les meubles, mais l’élévation du niveau de diplôme d’un côté et la croissance de l’offre ainsi que des événements (comme les Journées du patrimoine) auraient dû conduire davantage de visiteurs à franchir leurs portes. Seule la mise en place de grandes expositions médiatisées tire la fréquentation des équipements culturels vers le haut. On notera une certaine désaffection dans les générations les plus récentes : entre 1997 et 2008, la part de visiteurs dans l’année a baissé de 4 points chez les 15-24 ans et de 5 points chez les 25-39 ans.

Les habitants des grandes villes vont davantage au musée que les autres : 53 % des personnes qui vivent dans l’agglomération parisienne ont visité un musée ou une expo en 2014, contre 32 % en milieu rural, selon le Crédoc. Mais cela ne tient pas, en réalité, à l’effet de la densité de l’offre, considérable à Paris. A caractéristiques identiques (diplôme, revenu, âge, sexe, etc.), la taille de la commune d’habitation n’est pas un facteur discriminant indique le Crédoc. D’ailleurs, dans près de 60 % des cas les visites se font dans une région différente de la région d’origine du visiteur.

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Les écarts de fréquentation sont en revanche très marqués entre milieux sociaux. En 2008, 62 % des cadres supérieurs avaient visité un musée, contre 14 % des ouvriers non qualifiés. Pour ces derniers, la fréquentation avait augmenté de 21 à 26 % entre 1973 et 1997, mais elle a chuté entre 1997 et 2008. La fréquentation des lieux culturels est d’abord liée au niveau de diplôme. Selon l’enquête du Crédoc, 15 % des non-diplômés ont visité un musée dans l’année, contre 72 % des bac+3 et plus, presque cinq fois moins. Et si on isole l’effet des autres facteurs (âge, revenu, sexe, etc.), les sans diplôme ont une probabilité d’avoir visité un musée ou une exposition vingt fois inférieure à celle des bac+3 et plus (données 2012) et six fois inférieure pour les monuments. Mais le Crédoc note que le revenu joue aussi un rôle : toutes choses égales par ailleurs, les plus aisés vont deux fois plus au musée que les autres et un quart de la population déclare avoir renoncé à une visite pour cause de tarifs trop élevés. Les plus concernés ne sont ni ceux qui y vont le plus souvent ni les plus éloignés, mais un public intermédiaire, qui fréquente les musées et les autres équipements culturels de façon occasionnelle. Les classes moyennes de la culture en quelque sorte.

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Au bout du compte, la stabilité globale du taux de fréquentation sur longue période, qui d’ailleurs peut être en partie compensée par les visiteurs étrangers en termes de fréquentation totale, masque plusieurs phénomènes. Une désaffection dans les années récentes, marquée chez les jeunes générations. Surtout, des inégalités sociales en nette croissance. En 1973, la part de cadres ayant visité un musée était 2,7 fois plus élevée que celle des ouvriers non qualifiés. En 2008, elle est plus de quatre fois supérieure. Au fond, plus que la fréquentation globale, la question qui se pose aux musées et autres monuments est celle de leur ouverture à un public plus large. Force est de constater qu’en France les efforts sont réduits dans ce domaine.

Pour en savoir plus :

– « Les visites du patrimoine culturel et la question de la gratuité« , Crédoc, mars 2016.

Enquêtes sur les pratiques culturelles des Français, site du ministère de la culture.

Notes:

  1. Le Crédoc note cependant un léger regain d’intérêt dans la période récente : la fréquentation des monuments et des musées aurait progressé entre 2012 et 2014. Mais les attentats de 2015 ont eu un effet inverse.
  2. La définition du monument « historique » par le ministère est plus restrictive que celle du Crédoc, d’où l’écart.
  3. « Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique. Enquête 2008 », Olivier Donnat, La découverte, 2009