La part des dépenses contraintes1 dans le revenu des ménages est passée de 12 % dans les années 1960 à 29 % en 2019, selon l’Insee. Ces dépenses comprennent les frais de logement, les assurances et services financiers, les dépenses de télécommunications et télévision, ainsi que les frais de cantine scolaire. La hausse a surtout eu lieu dans les années 1960 au milieu des années 1980 : le taux est multiplié par plus de deux – de 12 % à 26 % – entre 1959 et 1985.

Les niveaux de vie ont augmenté nettement en France jusqu’aux années 2000. Le niveau de vie médian a été multiplié par deux depuis les années 1970, une fois l’inflation déduite. Une partie de cette hausse a été grignotée par des postes de budget que l’on ne peut guère modifier facilement. Ces dépenses sont bien contraintes, mais elles financent l’accès à des biens et services qui améliorent le quotidien : les logements sont de meilleure qualité, on est mieux couvert par des assurances, on peut communiquer partout à tout moment (téléphone mobile), etc.

Parmi les dépenses contraintes, c’est surtout le logement qui plombe le pouvoir d’achat. La part des assurances a triplé dans les années 1970 et 1980, de 2 % à 6 % des revenus, puis elle est revenue à 3 %. Celle de la télévision et des télécoms s’est accrue jusqu’à 3 % au début des années 2000, mais est retombée à 2 % en 2019 avec l’effet de la baisse du coût des forfaits de téléphonie mobile. En revanche, les dépenses de logement n’ont quasiment jamais cessé de s’élever, de 9 % à 23 % du budget des ménages, du fait de la hausse des loyers mais aussi du prix de l’électricité, du gaz et de l’ensemble des autres charges liées à l’habitation. Cette progression correspond pour partie à une amélioration de l’habitat (donc un effet de qualité) mais aussi à un enrichissement des bailleurs : à qualité équivalente, les loyers ont augmenté. Une partie de l’élévation des revenus a été annulée par l’effet logement.

La hausse des dépenses contraintes n’a pas du tout le même effet selon les niveaux de vie. Pour les 20 % du bas de l’échelle des revenus, ces dépenses représentent près du tiers de leur revenu, contre moins d’un cinquième pour les 20 % les plus riches, selon une étude de l’Insee (données 2017). « Pour les ménages les plus modestes, les choix de consommation sont plus contraints », résument les auteurs. Et encore, 20 %, c’est une fourchette très large. Pour les  plus démunis, la part du budget contraint, notamment du loyer, est bien plus élevée et pour certains ce qui reste à la fin du mois est quasiment nul, comme l’a noté de longue date le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE)2. L’effet est encore plus marqué chez les jeunes vivant dans les grandes métropoles – et notamment à Paris – qui subissent des coûts de logement très supérieurs à la moyenne.

Dans les années récentes, la part des dépenses contraintes a légèrement diminué, de 29,8 % en 2013 à 28,8 % en 2019. Parce que les dépenses de logement et de nouvelles technologies rapportées au revenu des ménages ont un peu baissé. Les années 2020 et 2021 seront très probablement marquées une remontée des dépenses contraintes pour les bas revenus, du fait de la hausse de la pauvreté et du chômage liés à la crise de la covid-19. Un certain nombre de ménages – bloqués par le poids de dépenses incompressibles – se retrouvent en grande difficulté, alors que pour d’autres le niveau d’épargne augmente très fortement.

 

Notes:

  1. L’Insee utilise l’expression « dépenses pré-engagées » car bien d’autres dépenses sont contraintes : on ne peut pas non plus éviter de s’alimenter, se vêtir, se soigner…
  2. « Pour une mise en œuvre du droit à des moyens convenables d’existence. Analyse établie autour du concept de « reste à vivre » », Rapport du CNLE, juin 2012.