Le mal-logement est un drame pour des millions de Français, comme le rappelle chaque année la Fondation Abbé Pierre. Malgré cela, le nombre de logements vacants ne cesse d’augmenter depuis le milieu des années 2000. L’Insee en compte trois millions en 2022, contre 1,6 million il y a 20 ans : une progression de près de 60 %. Leur part dans l’ensemble du parc de logements est passée de 6 à 8 %, mais s’est stabilisée depuis 2016 (voir graphique enfin d’article ci-dessous).
Pour l’Insee, un logement vacant est un logement non occupé mais destiné à l’usage d’habitation. Trois millions de logements vacants ne constituent pas trois millions de logements disponibles. Parmi ces logements, certains sont en attente de relocation ou de vente seulement depuis quelques semaines. On trouve aussi des biens trop dégradés pour être habités, des appartements de centre-ville comme des logements en milieu rural très éloignés des emplois. En moyenne, les biens vacants sont de moins bonne qualité : le taux de vacance est de 26 % dans le parc de qualité médiocre, contre 6 % dans les logements « grand luxe à confortable » (données de l’enquête logement 2013 de l’Insee).
Cela n’empêche pas que le réservoir de logements reste énorme, parce qu’une partie des propriétaires refusent de les louer. Près d’un quart des logements vacants (donnée Insee 2013) le sont depuis plus de quatre ans, soit 750 000 au total (voir graphique). La vacance est plus importante si on raisonne en pourcentage, dans les territoires peu attractifs, mais le nombre absolu de logements disponibles demeure considérable dans des zones très attractives. À Paris même, pas moins de 120 000 logements sont vacants selon l’Insee (donnée 2019) et, au total, on en compte 400 000 pour toute l’Ile-de-France, selon l’Insee qui note que dans la capitale, le taux de vacance est supérieur à la moyenne nationale. Paris, mais aussi Marseille, Nice ou Toulouse : d’après nos estimations à partir des données du recensement de chaque commune, 300 000 logements sont inoccupés dans les dix plus grandes villes françaises, et 600 000 dans les cinquante les plus peuplées. Si la moitié de ces 600 000 ne sont pas adaptés, il en reste 300 000. Avec deux personnes en moyenne par logement, cela fait tout de même de quoi loger 600 000 personnes, plus que toute l’agglomération de Montpellier.
Cette situation est difficile à comprendre tant les besoins en logements sont grands en France. En théorie, on devrait pouvoir attendre que le marché se régule tout seul. Une partie des bailleurs ne louent pas car ils espèrent louer plus cher pour gagner plus. Mais plus le temps passe, plus le fait de ne pas remettre son logement en location ou en vente s’avère coûteux. Les propriétaires finissent par louer ou vendre leur bien. L’évolution de ces dernières années montre que laisse faire la loi du marché ne suffit pas. La hausse de la taxe annuelle sur les logements vacants en 2023 (12,5 % à 17 % la première année, 25 % à 34 % les années suivantes) et son extension à de nouveaux territoires va dans le bon sens, mais il n’est pas certain qu’elle soit assez dissuasive.

