Quatre millions de personnes – soit 6 % de la population – sont mal logées en France, selon le rapport 2021 de la Fondation Abbé Pierre. Du sans domicile fixe au jeune contraint de revenir vivre chez ses parents, en passant par le couple qui vit avec son enfant dans un studio, ces chiffres rassemblent des populations logées de manières très différentes. Pour essayer de mieux comprendre cette réalité, nous avons détaillé trois formes principales de mal-logement : l’habitat inconfortable, le manque d’espace et l’absence de logement à soi.

La première forme de mal-logement est le manque de confort : 2,4 millions de personnes sont concernées. D’abord, les 91 000 personnes qui vivent dans des habitats de fortune (cabane, camping, etc.). S’y ajoutent 208 000 gens du voyage qui ne disposent pas d’aire aménagée, vivant très souvent dans des conditions particulièrement dures. À ces très mal logés, il faut additionner les 2,1 millions de personnes vivant dans un logement inconfortable.

La deuxième forme de mal-logement, c’est le manque d’espace : 934 000 personnes sont dans ce cas. Selon l’Insee, le peuplement normal d’un logement répond à la norme suivante : au moins une pièce pour le ménage (le séjour), plus une pour un couple (une chambre), plus une pour les célibataires de 19 ans et plus, une pour deux enfants s’ils sont de même sexe ou ont moins de sept ans, sinon une supplémentaire par enfant. Un logement qui ne répond pas à ce minimum est dit « surpeuplé ». Le surpeuplement est « accentué » s’il manque deux pièces ou plus par rapport à la norme de peuplement de l’Insee.

Enfin, la troisième forme de mal-logement, c’est ne pas disposer de logement à soi : 835 000 personnes sont concernées. 143 000 personnes n’ont pas de domicile personnel selon les recensements effectués par l’Insee dans les centres d’hébergement, mais qui datent de 20121. Parmi elles, la majorité est logée de façon très précaire (logement ou hôtel) et un peu moins de 11 000 personnes sont « sans abri  » (ce que l’on nomme le plus souvent des SDF) et dorment dans des caves, des halls d’immeuble ou sous les ponts. Non seulement ces dernières n’ont pas de domicile, mais, surtout, elles vivent dans les conditions d’habitat les plus indignes. Elles auraient bien entendu pu être comptabilisées dans la première forme de mal-logement (inconfortable). 25 000 personnes vivent en permanence à l’hôtel et 24 000 dans des foyers de migrants en attente d’un logement. Enfin, 643 000 personnes sont hébergées chez des tiers. Elles ne vivent pas nécessairement dans des logements de mauvaise qualité, mais elles sont contraintes de vivre chez autrui.

Des données imparfaites

Ces données constituent des ordres de grandeur. Les formes de mal-logement se conjuguent souvent. Les personnes sans domicile personnel vivent dans des logements peu confortables et exigus. Le caractère « inconfortable » du logement regroupe des situations qui sont très différentes, du bidonville au manque de confort (comme l’absence de cuisine). La Fondation Abbé Pierre déduit ainsi un peu plus de 200 000 « doubles comptes ». Ces chiffres sont tirés de plusieurs sources, avec des années différentes, parfois de 2011 et principalement de 2013. Une partie des personnes qui n’ont pas de domicile (hébergées chez des tiers) le sont de façon temporaire et parfois dans de bonnes conditions. Il est discutable de les inclure dans le même ensemble que les sans-domicile.

D’un autre côté, ces chiffres ne mesurent pas tout. Une partie des sans-abri et des très mal logés échappent aux statistiques. Les personnes qui vivent dans des hôpitaux, des maisons de retraite, des foyers de travailleurs (souvent dans une seule chambre) et en prison ne sont pas comptabilisées. La norme de surpeuplement est établie en nombre de pièces et non en termes de superficie. Une personne seule vivant dans une minuscule pièce au rez-de-chaussée d’une route passante est considérée comme « bien logée ».

La situation du logement en France n’a pas grand-chose à voir avec celle que notre pays a pu connaître dans l’après-guerre Mais la persistance d’un tel niveau de mal-logement est d’autant plus problématique que notre pays est parmi les plus riches au monde et que les conditions générales de logement ont eu globalement tendance à s’améliorer ces dernières années. L’aggravation de la situation économique en 2020 et 2021 a de quoi susciter des inquiétudes en matière de logement, notamment pour les plus jeunes.

Notes:

  1. Il faut noter que la Fondation Abbé Pierre a par ailleurs recensé 300 000 personnes « sans domicile personnel » : 183 000 en centre d’hébergement, 100 000 dans des lieux d’accueil pour des demandeurs d’asile, 16 000 dans des bidonvilles et 27 000 sans abri.