48 % des Français estiment que les pouvoirs publics « ne font pas assez » pour les plus démunis, 40 % « ce qu’ils doivent » et 12 % trouvent qu’ils « font trop », selon le ministère des Solidarités (données 2022). La solidarité reste une valeur fortement ancrée dans la population française, comme le montrent deux enquêtes, l’une menée depuis 20 ans par le ministère des Solidarités (le baromètre d’opinion de la Drees)1, l’autre, depuis 40 ans par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) – enquête « conditions de vie et aspirations »2.

À la question du ministère des Solidarités « quelles sont les raisons qui, selon vous, peuvent expliquer que des personnes se trouvent en situation de pauvreté ? », la réponse (plusieurs sont possibles) qui arrive en tête est claire : « parce qu’ils manquent de qualifications » pour 70 % des personnes interrogées en 2022. Pour 35 %, « il n’y a plus assez de travail pour tout le monde » une proportion en baisse très nette depuis 2016 du fait de la baisse du chômage. Pour 59 %, c’est « la faute à pas de chance », quasiment au même niveau qu’en 2000. Enfin, ceux qui pensent que les pauvres « ne veulent pas travailler » sont 59 %, un chiffre qui a nettement augmenté en 2022 pour dépasser légèrement le niveau atteint il y a 20 ans.

Le Crédoc pose une question semblable, mais seules deux réponses sont possibles : « pensez-vous que les personnes sont en situation de pauvreté » soit « parce qu’elles n’ont pas fait assez d’efforts ? » ou « parce qu’elles n’ont pas eu de chance ? ». La faute à pas de chance domine de manière stable depuis trois décennies, avec 60 %, contre 40 % pour ceux qui pensent que les pauvres ne font pas assez d’efforts (données 2024). Les réponses demeurent, au fond, relativement stables dans le temps. La part de ceux qui pensent que les pauvres ne font pas assez d’efforts a baissé de 36 % à 28 % entre 2005 et 2011, elle est ensuite remontée à 37 % il y a dix ans.

Des Français solidaires

60 % des Français pensent qu’il faut augmenter le revenu de solidarité active (RSA), 25 % le laisser à ce niveau et 16 % le diminuer, selon les données 2022 du ministère des Solidarités. La part de ceux qui veulent l’augmenter a baissé au tournant des années 2010 jusqu’en 2015, mais elle est rapidement remontée ensuite. La part de ceux qui désirent le réduire a augmenté assez nettement de 2000 à 2015, de 5 % à 17 %, puis s’est stabilisée.

En dépit de discours répétés sur l’assistanat, les allocataires du RSA restent perçus par l’immense majorité des Français comme des personnes dans une situation difficile, qui reçoivent un minimum de solidarité de la part de la société leur permettant d’éviter des situations encore plus dramatiques. Au-delà, la stigmatisation des pauvres, pourtant médiatiquement très présente, ne prend pas sur le long terme dans l’opinion publique. Ceux qui ciblent les « assistés » n’en retirent pas un avantage politique aussi important qu’ils ne le croient. Ce qui n’empêche pas qu’une partie de la population, importante et assez constante, pense que les allocataires de prestations devraient en faire plus.

Ces données rejoignent ce que l’on peut observer au sujet de l’immigration ou de l’homosexualité par exemple : la France reste profondément solidaire et tolérante. Sur une courte période en revanche, la médiatisation à outrance peut jouer : la part de celles et ceux qui pensent que les pauvres ne veulent pas travailler a ainsi progressé de dix points entre 2020 et 2022. Mais au fond, il est logique que les politiques qui visent à réduire le soutien aux plus démunis, souvent fondées sur des sondages orientés, se heurtent à une grande hostilité.

Notes:

  1. Toutes les données sont disponibles gratuitement sur www.drees.solidarites-sante.gouv.fr.
  2. Voir « Liberté, égalité, individualité », Sandra Hoibian et al., Note de conjoncture sociétale, Crédoc, avril 2019.