La crise de 2008 a marqué un tournant dans l’histoire de l’évolution des salaires. Depuis cette date, les inégalités ont recommencé à augmenter, selon l’Insee. Il ne s’agit pas d’une explosion des écarts, mais d’un changement notable. Pour l’immense majorité de la population, les salaires constituent l’essentielle source de revenus, donc la base des inégalités économiques.
Si l’on observe les choses grossièrement, les 20 dernières années disponibles (1998-2008) ne semblent pas marquées par des modifications de grande ampleur. Au cours de cette période, les salaires nets du haut, comme du bas de l’échelle, ont augmenté d’un peu moins de 50 % si l’on ne tient pas compte de l’inflation (nous raisonnons en équivalent temps plein). Si l’on déduit la hausse des prix, la progression n’est plus que de 20 %. Sur 20 ans, c’est peu rapporté aux décennies précédentes et surtout compte tenu de l’élévation des diplômes.
Cette progression globale masque une inflexion qui s’est amorcée vers la fin des années 2000. Le rapport entre le seuil des 10 % les mieux rémunérés et celui des 10 % les moins bien payés (le rapport dit « interdécile », voir nos définitions en encadré) a diminué de 3,03 en 1996 à 2,87 en 2009, puis s’est remis à progresser depuis pour atteindre 2,98 en 2018. Entre 2008 et 2018, l’écart entre ces deux valeurs est passé de 2 000 à 2 500 euros, + 500 euros. Pour les plus hauts salaires, l’évolution est antérieure. Dans le secteur privé, la part de la masse globale des salaires perçue par le 1 % le mieux payé avait diminué de 8,4 % en 1967 à 6,8 % en 1980. À partir de la fin des années 1990, elle a recommencé à augmenter pour revenir à 8 % du total en 2017 selon l’Insee (dernière année disponible).
Il ne s’agit pas d’une explosion des inégalités salariales. Nos graphiques exagèrent les variations pour rendre visible les évolutions. Pour autant, ce changement est significatif. C’est un retournement. L’après 1968 avait été marqué par une réduction de ces inégalités. Les salariés riches et pauvres s’éloignent, lentement certes, mais il s’agit d’une dynamique nouvelle. Ensuite, parce qu’une hausse de 500 euros mensuels d’écart supplémentaire en dix ans, représente beaucoup pour ceux qui ont de très bas salaires. On comprend alors mieux les tensions qui naissent dans les milieux populaires autour du pouvoir d’achat.
Définition : les déciles et le rapport interdécile Le salaire qui sépare les 10 % les moins bien rémunérés des 90 % les mieux payés s’appelle le premier décile des salaires. Le salaire qui sépare les 90 % du bas de l’échelle et les 10 % du haut s’appelle le neuvième décile. Il s’agit bien de frontières. Celui qui sépare l’effectif des salariés en deux est qualifiée de « médiane ». Le rapport dit interdécile des salaires est le rapport entre le neuvième et le premier décile. Nous calculons ici aussi l’écart interdécile : le neuvième décile, moins le premier décile. Il s’exprime en euros.