Revenus, diplôme, milieu social, lieu d’habitation, sexe, âge… le recours aux soins dépend d’un ensemble de facteurs dont il est difficile de distinguer l’influence respective. Les progrès ont été considérables dans ce domaine au cours des dernières décennies. Pour autant, les pratiques demeurent fortement différenciées et une partie de la population renonce aux soins.

Les femmes vont davantage chez le médecin spécialiste. 55 % des femmes en ont consulté un dans l’année contre 41,6 % des hommes, selon l’enquête Santé et protection sociale de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes, données 2014). Les jeunes de 15 à 39 ans (40,6 %) vont aussi beaucoup moins souvent chez un spécialiste que les 65 ans et plus (60,6 %). Les cadres supérieurs sont 53 % dans ce cas contre 44 % des ouvriers.

Ces écarts s’expliquent par de très nombreux facteurs. La condition physique joue bien sûr pour expliquer l’écart entre les jeunes et les vieux. Des facteurs socioculturels comptent aussi. La socialisation des filles et des garçons depuis la plus petite enfance aboutit à une attention au corps différenciée. La résistance physique est valorisée dans les milieux populaires qui ont des métiers beaucoup plus éprouvants, où il faut « tenir ». Le risque sanitaire n’est pas mesuré de la même façon, notamment en fonction de l’information dont on dispose sur les maladies et leurs symptômes. Les catégories diplômées associent par exemple davantage pratiques alimentaires et santé que les non-diplômés. S’y ajoutent des obstacles très concrets, comme le risque de perdre son emploi (notamment pour les précaires) ou ses contrats professionnels (pour les non-salariés) pour celui qui se retrouve placé en arrêt maladie.

Le recours aux soins dépend aussi des capacités d’accès. Elles peuvent être liées à l’information sur l’offre de soins (qui voir et où aller ?) inégale selon les milieux sociaux, ou comme la distance aux lieux de soins. La quasi-totalité de la population vit à moins de quinze minutes d’un généraliste, mais près d’un quart à plus de quinze minutes d’un ophtalmologue. Dans ce domaine, vivre en milieu rural est un handicap certain mais l’absence de spécialistes est grand aussi dans certains territoires urbains (notamment en banlieue nord et est de Paris) où, rapportée à la population concernée, la densité médicale est faible. Enfin, l’accès est commandé par des barrières financières. Les évaluations divergent quant à son niveau (lire notre article) et la couverture des soins progresse, mais une partie de la population française renonce encore à des soins ou les repousse parce qu’elle n’en a pas les moyens.

Le recours aux soins dépend d’un ensemble de facteurs économiques, sociaux et culturels liés entre eux. L’accès au médecin généraliste est largement assuré, sauf à de rares exceptions. L’enjeu porte sur les soins spécialisés et coûteux, la prévention, ainsi que sur le délai d’accès aux soins. La question se pose en particulier pour les soins dentaires et l’optique, qui représentent à eux seuls les trois quarts de renoncements pour raison financière. De façon plus large, le recours aux soins – et notamment la prévention – dépend aussi de l’éducation à la santé et de l’information sur les risques et l’offre de soins au sein des catégories de populations qui en sont le plus éloignées.