En France, onze millions de personnes vivent seules1. Leur part dans l’ensemble de la population a été presque multipliée par trois entre 1962 et 2019, passant de 6 % à 17 % de l’ensemble de la population, selon l’Insee. Au sein des seuls 15 ans et plus, cette proportion a augmenté de 13 % en 1990 à quasiment 21 % en 2019.

Avant 20 ans, la part de personnes seules demeure marginale. Elle s’accroît ensuite entre 20 et 24 ans pour atteindre 20 % et diminue quand les couples se forment pour atteindre environ 14 % entre 40 et 54 ans. La proportion remonte ensuite quand les enfants quittent le domicile parental.

Les courbes de la part de solos sont nettement différentes pour les hommes et les femmes. Entre 25 ans et 54 ans, les femmes vivent presque deux fois moins souvent seules que les hommes (10 % contre 20 %) parce que la garde des enfants leur est bien plus souvent confiée en cas de séparation. Puis, les enfants quittent le domicile et l’écart d’espérance de vie avec les hommes fait qu’elles sont beaucoup plus nombreuses à vivre seules à un âge élevé. Chez les plus de 80 ans, 62 % des femmes vivent seules, contre seulement 27 % des hommes.

La progression de la part de personnes seules résulte de plusieurs facteurs très différents qui se combinent. Chez les jeunes, une nouvelle période de la vie s’est développée à partir des années 1970, entre le départ du domicile des parents et la formation d’un nouveau couple. Ce phénomène est dû à l’allongement des durées de scolarité, ainsi qu’aux difficultés d’insertion dans le monde du travail. L’instabilité des couples joue aussi. Entre 30 et 50 ans, la part de personnes seules est supérieure chez les hommes : même s’ils se remettent plus souvent et plus rapidement en couple que les femmes, ils ont rarement la charge des enfants. Chez les femmes, ce facteur joue surtout après 45 ans, avec le départ des enfants vivant au domicile de leur mère seule.

Concernant les personnes âgées, l’écart d’espérance de vie entre les femmes et les hommes fait que l’on compte beaucoup plus de veuves que de veufs. Le départ de plus en plus tardif en maison de retraite et les politiques de maintien à domicile contribuent à la hausse du nombre de personnes âgées seules.

Enfin, une part de la population choisit de vivre seule tout au long de sa vie ou au moins durant une période plus longue qu’auparavant. L’idée de constituer un couple à un moment donné de sa vie et de fonder une famille reste fortement ancrée dans les mœurs. Mais la part des personnes n’ayant jamais vécu en couple à 35 ans a progressé très légèrement entre la génération née en 1948-1957 et la génération 1968-1977 (le taux passe de 12 à 13 %).

De l’étudiant à la personne âgée vivant en milieu rural, le fait de vivre seul regroupe des réalités qui n’ont souvent rien à voir. Pour certains, cette situation constitue un espace de liberté avant de former un couple, un mode de vie choisi, individuel. Pour d’autres, elle est plus ou moins acceptée par exemple après une séparation. Pour les plus âgés enfin, cette situation est le plus souvent subie suite à un décès.

La fin d’une tendance ?

À l’avenir, plusieurs éléments pourraient conduire à une stabilisation de la part de personnes seules. La hausse du prix des logements conduit un certain nombre de jeunes à devoir rester chez leurs parents ou y à retourner en cas de problèmes financiers. Le phénomène de colocation se développe. Chez les plus âgés, l’écart d’espérance de vie entre femmes et hommes diminue et il est possible que le maintien à domicile progresse moins dans les années futures. Les politiques dans ce domaine ont commencé à se développer dès les années 1960. La part de personnes vivant seules a diminué depuis 1990 pour les 65-79 ans et depuis 1999 pour les plus de 80 ans. Chez les 25-39 ans la part de vie en solo augmente moins depuis 1999. On peut aussi penser que les séparations à l’âge adulte finiront par plafonner.

Pour l’heure cette tendance ne s’inverse pas quand on mesure la part de personnes seules dans l’ensemble de la population. La baisse du chômage depuis 2015 permet à certains jeunes de quitter plus vite le domicile familial ou d’éviter la colocation ce qui contribue à la hausse de la part de personnes seules. Par ailleurs, l’instabilité des couples demeure marquée.

Photo : Sam Moghadam Khamseh / Unsplash

Notes:

  1. Sans conjoint, enfant, colocataire ou proche.