La voiture reste le mode de déplacement par excellence. Elle représente 80 % des 1 000 milliards de kilomètres parcours chaque année avec un véhicule motorisé, et le mode de transport utilisé pour les deux tiers des déplacements. Son essor date de la Seconde Guerre mondiale : on comptait 1,7 million de véhicules1 en circulation en 1946, trente ans plus tard ils étaient déjà dix fois plus nombreux. Au début des années 1960, un tiers des Français disposent d’une voiture, en 1981 ils sont déjà plus de 70 %. En 2020, le parc automobile dépasse les 37 millions de véhicules.

Les années récentes sont plutôt marquée par un plafonnement de l’usage de l’auto. Le taux d’équipement atteint 83 % au milieu des années 2000 et plafonne depuis. Même chose pour le nombre de km parcourus, autour de 650 milliards par an. En revanche, le parc automobile a continué à s’accroître jusqu’à la crise liée au coronavirus en 2020 : c’est la deuxième, voire la troisième voiture qui prend le relais car le nombre de kilomètres moyen par véhicule tend lui légèrement à diminuer depuis les années 2000 (sauf en 2020 où logiquement il se réduit fortement).

Les évolutions actuelles résultent de différents facteurs qui s’opposent. Le développement de l’habitat périurbain, qui impose souvent l’équipement d’une deuxième voire d’une troisième voiture par ménage, progresse toujours (voir notre article), même si le phénomène est moins rapide qu’auparavant. La dernière enquête sur les déplacements indique que leur durée a nettement augmenté, en partie du fait de la voiture (lire notre article). À l’opposé, dans l’hypercentre des grandes villes, le renchérissement du stationnement rend la voiture de plus en plus onéreuse, notamment pour les jeunes. Les réseaux de tramway se développent. Sur plus longue distance, le covoiturage et l’essor du transport par autocar jouent aussi. Le prix du carburant, pour l’heure au moins, semble jouer relativement peu dans les variations du kilométrage par couru au bout du compte.

Quelle importance peut prendre l’automobile dans notre société demain ? Aux Etats-Unis, on compte huit véhicules pour dix habitants contre 5,3 en France : il reste donc de la marge. De nombreux ménages des classes populaires n’ont pas les moyens d’accéder à ce moyen de locomotion auquel ils aspirent pour leurs déplacements, de loisirs ou de travail. Même chose chez les jeunes : « Si la jeunesse retarde l’accès au permis et l’achat d’une voiture, ce n’est pas que le besoin ou l’envie d’automobile aient disparu, mais simplement qu’elle attend sur le bord de la route des conditions plus favorables », analyse le sociologue Yoann Demoli2. À l’âge adulte, seule une poignée parmi les plus favorisés – souvent des célibataires citadins – se prive volontairement de l’auto. La critique de ce mode de transport reste l’apanage des populations les plus mobiles.

La voiture a transformé nos sociétés ces dernières décennies, apportant une liberté de déplacement sans précédent, élargissant l’horizon du marché du travail, des sorties, des vacances et de la sociabilité. L’accès à l’automobile est devenu un marqueur de l’autonomie et de la position sociale. Il y a un revers à cette médaille : l’automobile coûte cher à celui qui la possède ainsi qu’à la société du fait de l’ampleur de la pollution, des nuisances sonores, des accidents, etc. Dans les conditions actuelles de rejets polluants dans l’atmosphère, le niveau d’équipement des ménages des pays riches appliqué à l’ensemble de la planète n’est pas écologiquement supportable.

L’avenir de l’usage de l’automobile dépendra pour beaucoup de l’urbanisme : de la localisation et du type de logements, de l’implantation des commerces ainsi que de l’accent mis en matière d’infrastructures routières ou de transports en commun. Il faudra à la fois prendre en compte les nuisances énormes liées à l’automobile et sa nécessité pour une partie de la population qui n’y accède pas. Les nouveaux modes de déplacements individuels, comme la voiture électrique, sont encore loin d’être accessibles aux ménages les moins fortunés, mais leur production à très large échelle devrait réduire leurs prix.

Notes:

  1. Tous véhicules confondus.
  2. « Les jeunes et la voiture, un désir contrarié ? », Métropolitiques, 9 octobre 2017.