Après une période de baisse à la fin des années 1990, la part de travailleurs vivant sous le seuil de pauvreté est relativement stable en France depuis 2002. Au seuil de 60 %, elle oscille autour de 8 %, au seuil de 50 %, autour de 4 %1. Cette stabilité est due à plusieurs facteurs. L’existence d’un salaire minimum (le smic) évite la baisse des salaires sous le seuil de pauvreté pour des temps complets et limite l’effet des crises économiques. En cas de poussée du chômage, les employeurs ne peuvent pas réduire le salaire minimum d’embauche. Le temps partiel, l’un des principaux facteurs de la pauvreté laborieuse (un smic à mi-temps rapporte environ 650 euros), a arrêté sa progression. L’amélioration de la situation du marché du travail depuis 2015 et, en 2019, la hausse de la prime d’activité (versée aux plus bas salaires) suite au mouvement des gilets jaunes a contribué à maintenir le niveau de vie des personnes les moins bien rémunérées.

Ces données appellent plusieurs remarques. L’Insee mesure les revenus au niveau de l’ensemble du ménage. Un travailleur pauvre est une personne qui exerce un emploi, mais dont le niveau de vie – en prenant en compte les ressources de l’ensemble du ménage – est en dessous du seuil de pauvreté. Un salarié peut avoir une rémunération inférieure au seuil de pauvreté, mais ne pas être pauvre parce qu’il vit avec un actif bien mieux payé. Ces chiffres ne comprennent que ceux qui ont un travail. Si on intègre l’ensemble des personnes du ménage (notamment les enfants)  quatre millions de Français sont pauvres au seuil de 60 % alors qu’ils vivent dans un ménage ou la personne de référence travaille. Enfin, on peut remarquer qu’en dépit de la baisse du chômage, le nombre de travailleurs pauvres a tout de même augmenté d’environ 200 000 depuis 2013.

La stabilité actuelle se fait à un niveau très élevé. L’indicateur le plus restrictif, le seuil de 50 %, aboutit à plus d’un million de personnes qui, malgré leur emploi, vivent dans la pauvreté. « Tout travail mérite salaire », mais celui-ci n’est pas toujours suffisant pour vivre dignement dans l’une des sociétés les plus riches au monde et en dépit de l’existence d’un salaire minimum. Une situation qui nourrit des tensions sociales.

Notes:

  1. Nous avons recalculé les séries de l’Insee pour tenir compte des ruptures de 2010 et 2012.