1,3 million de personnes âgées sont reconnues comme « dépendantes » et touchent l’allocation personnalisée d’autonomie (Apa), selon le ministère de la Santé (donnée 2022). Cela représente 7,3 % des 60 ans ou plus. Le chiffre minimise la réalité de la perte d’autonomie : il s’agit d’une définition administrative de la dépendance, soit de personnes qui demandent et obtiennent une allocation. Les enquêtes sur le non-recours à l’Apa estiment qu’il est de l’ordre de 20 à 30 %1 : le nombre de personnes dépendantes est sans doute supérieur à 1,5 million, voire davantage. Selon l’Insee (données 2022), 27 % des personnes âgées de 65 ans ou plus déclarent une limitation modérée de leurs activités et 18,8 % une limitation sévère.

Le degré d’autonomie varie fortement. Si l’on s’en tient aux données de l’Apa, 58 % des personnes dépendantes qui vivent à domicile ont la plus faible perte d’autonomie : elles peuvent se déplacer, mais ont besoin d’une aide pour la toilette ou l’habillage. Le chiffre est de 23 % en établissement. À l’opposé, 2 % des aînés sont confinés au lit sans aucune autonomie à domicile, mais 15 % de ceux qui vivent en établissement sont dans ce cas. Plus de la moitié des personnes âgées en maison de retraite sont confinées au lit, si on ajoute celles qui peuvent réaliser certaines activités (comme manger seules). L’essor du maintien à domicile a transformé ces établissements pour personnes âgées où l’on se rend – la plupart du temps – qu’à la toute fin de sa vie quand on est seul et sans autre solution, dans une situation physique très dégradée.

Comme le note le ministère de la Santé, la proportion de personnes dépendantes augmente très fortement avec l’âge. Elle est minime jusqu’à 79 ans (2 %), atteint 17 % entre 80 et 89 ans et plus de la moitié de la population de plus de 90 ans est concernée.

70 % des personnes titulaires de l’Apa sont des femmes, soit environ 900 000 contre 400 000 hommes. Ce phénomène résulte en partie de l’écart d’espérance de vie selon le sexe (environ six ans en faveur des femmes). Pour un âge donné, les femmes sont aussi plus souvent dépendantes : elles vivent plus longtemps mais en moins bonne santé en moyenne que les hommes. Un tiers des hommes de plus de 90 ans et 56 % des femmes touchent l’Apa.

Malheureusement, on dispose de très peu de données sur la dépendance selon le milieu social. L’usure physique du travail est bien plus grande dans les milieux modestes, qui ont une espérance de vie plus faible et une perte d’autonomie précoce. À 35 ans, l’écart d’espérance de vie est de six années entre les cadres et les ouvriers, mais dix années les séparent pour ce qui est de l’espérance de vie sans problème physique ou sensoriel (données 2003). Les milieux aisés disposent des moyens financiers et matériels qui leur permettent d’être aidés à préserver leur autonomie et rendent la vie moins difficile à un âge élevé.

Il est difficile de prévoir l’évolution du nombre de personnes âgées dépendantes. Le chiffre dépend d’abord du nombre de personnes âgées, qui va s’accroître dans les décennies qui viennent, jusqu’au moment où les dernières générations nombreuses du baby-boom, nées au milieu des années 1970, atteindront 70 voire 80 ans, c’est-à-dire à partir de 2040. Il dépend aussi de la santé des personnes âgées, notamment les plus de 80 ou 90 ans, et des moyens à leur disposition pour préserver leur autonomie.

Dans un rapport, le Haut conseil de la famille de l’enfance et de l’âge prévoit une progression relativement modérée du nombre personnes en incapacité sévère : + 65 000 entre 2020 et 2030 et + 128 000 entre 2030 et 2040. C’est surtout le nombre d’aînés en situation d’incapacité modérée qui devrait s’accroître : + 430 000 dans les années 2020 et 550 000 dans les années 2030. Deux types de populations aux besoins différents. « Bien que l’espérance de vie totale à 60 ans augmente, l’espérance de vie dans l’APA diminue régulièrement depuis 2010 », note le ministère de la Santé. Un signe positif ? Si les personnes vieillissent en meilleure santé, alors les prévisions pourraient être revues à la baisse.

Photo : Artem Labunski/Unsplash.com

Notes:

  1. Lire « Le non-recours à l’Apa vu par les professionnels de terrain », Les Dossiers de la Drees, n°10, décembre 2016.