
La population immigrée1 vivant en France est passée de 4 % à 11 % de la population en un siècle. Cette hausse s’est faite en trois grandes phases. Dans les années 1920, nombre de nos voisins (italiens et espagnols en particulier) fuient la misère et la France a besoin de bras pour combler les énormes pertes humaines dues à la Première Guerre mondiale. Rapidement, une partie retourne ou est renvoyée chez elle, si bien qu’en 1946 la France ne compte plus que 5 % d’immigrés. Leur part a augmenté dans une deuxième phase de façon relativement constante dans l’après-guerre jusqu’au début des années 1970 où elle atteint à nouveau 7 %. La France a une fois de plus besoin de forces vives pour alimenter la machine économique, c’est l’époque des Trente Glorieuses.

L’arrêt de l’immigration de travail stabilise la part des immigrés jusqu’à la fin des années 1990. Mais à partir des années 2000, on entre dans une troisième phase : les immigrés représentent 10,7 % de la population en 2023. La persistance d’écarts énormes de niveaux de vie entre les pays et la permanence de conflits armés – comme le conflit en Ukraine ou dans le Proche-Orient – conduisent à une hausse des migrations internationales. La mondialisation accroît la circulation des femmes et des hommes pour les études, une mobilité professionnelle, rejoindre un conjoint, etc. La France demeure un pays moins accueillant que beaucoup d’autres pays riches, mais la progression de la part des immigrés a un impact sur notre démographie.
La population immigrée est très loin de l’image qui en est souvent faite, de personnes démunies qui viennent de débarquer sur notre sol pour éviter la misère. Plus d’un tiers vient de pays riches d’Europe ou d’Amérique du Nord. Une grande partie est établie de longue date dans l’Hexagone. Certains immigrés deviennent Français par naturalisation : ils ne sont alors plus comptabilisés parmi les étrangers. Au total, une personne vivant en France sur cinq est soit née à l’étranger, soit née d’au moins un parent qui a immigré.
Les étrangers sont des personnes vivant en France, mais qui n’ont pas la nationalité française. Ils n’ont pas forcément migré : 15 % des étrangers sont nés France (lire notre article). L’évolution de leur part dans la population connaît quant à elle des mouvements d’oscillation autour de 6 %, avec une progression plus nette dans les années récentes : elle atteint 8,2 % en 2023. Les années 1930-1940, puis 1980-1990, sont marquées par une baisse assez nette de leur part dans la population qui peut résulter d’une naturalisation ou d’un retour dans le pays d’origine, notamment de travailleurs. À leur majorité, une partie des jeunes nés de parents étrangers opte pour la nationalité française. Une partie des étrangers quittent la France faute d’avoir pu s’y installer plus durablement et, certains, au moment de la retraite. Environ 40 % des étrangers vivant en France ont une nationalité européenne ou d’Amérique du Nord.
La France est un pays d’immigration de longue date. Notre pays a fait appel en masse aux étrangers pour faire marcher son économie. C’est le cas chaque année pour les saisonniers en agriculture par exemple. En période de ralentissement, la plupart des personnes qui ont migré de longue date ne rentrent pas dans leur pays d’origine et s’intègrent au fil du temps. L’insertion de la France dans un processus de mondialisation joue, avec à la fois davantage d’immigration et d’émigration.
Au fil de son histoire, notre pays n’est jamais resté isolé des mouvements internationaux de population, qui vont se poursuivre, qu’ils soient choisis ou subis. Le développement des réseaux de transport les rend encore plus faciles. L’immigration en France devrait donc continuer à progresser, quelles que soient les options politiques au niveau national. À moins que les tensions internationales se réduisent et que les pays les plus pauvres rattrapent leur retard économique, ce qui prendra du temps. La question de fond est comment on améliore l’insertion des derniers arrivés.

Notes:
- Les immigrés sont des personnes nées étrangères à l’étranger (voir notre définition). ↩